Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lait de lui avec dédain. Il chercha les moyens de se venger. La supériorité des sonnets à Becchina lui semblait évidente. Les chansons pour Bice (il lui donnait son nom vulgaire) étaient abstraites et blanches ; les siennes étaient pleines de force et de couleur. D’abord, il envoya des vers d’insulte à Dante ; puis, il imagina de le dénoncer au bon roi Charles, comte de Provence. Finalement, nul ne prenant souci ni de ses poésies ni de ses lettres, il demeura impuissant. Enfin il se lassa de nourrir sa haine dans l’inaction, se dépouilla de sa robe, remit sa chemise sans agrafe, son jaquet usé, son chaperon lavé par la pluie et retourna quêter l’assistance des Frères dévots qui travaillaient pour les Noirs.

Une grande joie l’attendait. Dante avait été exilé : il n’y avait plus que des partis obscurs à Florence. Le savetier murmurait humblement à la Vierge le prochain triom-