Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/259

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Parcourant ses plantages, le Major frappait souvent l’épaule d’un travailleur :

— Et ne ferais-tu pas mieux, imbécile, d’arrimer dans quelque flûte ou brigantine les ballots de la misérable plante sur les pousses de laquelle tu verses ici ta sueur ?

Presque tous les soirs, le Major réunissait ses serviteurs sous les appentis à grains, où il leur lisait, à la chandelle, tandis que des mouches de couleur bruissaient autour, les grandes actions des pirates d’Hispaniola et de l’île de la Tortue. Car des feuilles volantes avertissaient de leurs rapines les villages et les fermes.

— Excellent Vane ! s’écriait le Major. Brave Hornigold, véritable corne d’abondance emplie d’or ! Sublime Avery, chargé des joyaux du grand Mogol et roi de Madagascar ! Admirable Teach, qui as su gouverner successivement quatorze femmes et t’en débarrasser, et qui as imaginé de livrer tous