Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/260

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les soirs la dernière (elle n’a que seize ans) à tes meilleurs compagnons (par pure générosité, grandeur d’âme et science du monde) dans ta bonne île d’Okerecok ! Ô qu’heureux serait celui qui suivrait votre sillage, celui qui boirait son rhum avec toi, Barbe-Noire, maître de la Revanche de la Reine Anne !

Tous discours que les domestiques du Major écoutaient avec surprise et en silence ; et les paroles du Major n’étaient interrompues que par le léger bruit mat des petits lézards, à mesure qu’ils tombaient du toit, la frayeur relâchant les ventouses de leurs pattes. Puis le Major, abritant la chandelle de la main, traçait de sa canne parmi les feuilles de tabac toutes les manœuvres navales de ces grands capitaines et menaçaient de la loi de Moïse (c’est ainsi que les pirates nomment une bastonnade de quarante coups) quiconque ne comprendrait point la finesse des évolutions tactiques propres à la flibuste.