Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

petits flocons de laine que les doigts de l’Africaine éparpillaient dans les salles. Les grappes d’abeilles et les colonnes de fourmis et le tissu mouvant des feuilles lui furent des groupements de groupements d’atomes. Et dans tout son corps il sentit un peuple invisible et discord, avide de se séparer. Et les regards lui semblèrent des rayons plus subtilement charnus, et l’image de la belle barbare, une mosaïque agréable et colorée, et il éprouva que la fin du mouvement de cette infinité était triste et vaine. Ainsi que les factions ensanglantées de Rome, avec leurs troupes de clients armés et insulteurs il contempla le tourbillonnement de troupeaux d’atomes teints du même sang et qui se disputent une obscure suprématie. Et il vit que la dissolution de la mort n’était que l’affranchissement de cette tourbe turbulente qui se rue vers mille autres mouvements inutiles.