Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Or, quand Lucrèce eut été instruit ainsi par le rouleau de papyrus, où les mots grecs comme les atomes du monde étaient tissés les uns dans les autres, il sortit dans la forêt par le porche noir de la haute maison des ancêtres. Et il aperçut le dos des pourceaux rayés qui avaient toujours le nez dirigé vers la terre. Puis, traversant le taillis, il se trouva soudain au milieu du temple serein de la forêt, et ses yeux plongèrent dans le puits bleu du ciel. Ce fut là qu’il plaça son repos.

De là il contempla l’immensité fourmillante de l’univers ; toutes les pierres, toutes les plantes, tous les arbres, tous les animaux, tous les hommes, avec leurs couleurs, avec leurs passions, avec leurs instruments, et l’histoire de ces choses diverses, et leur naissance, et leurs maladies, et leur mort. Et parmi la mort totale et nécessaire, il perçut clairement la mort unique de l’Africaine, et pleura.