Page:Science et foi.djvu/9

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doigts. Les pièces éclatent d’elles-mêmes. Laissez-là ce piteux amalgame. Il faut choisir. Point de thé de Me Gibou. Faites votre deuil de la Science, tenez-vous à la Foi. Du moins, elle vous conservera une affirmation franche et nette : Ordre et Dieu. Le surnaturel… sans limites… sans entraves… sans explications ! L’évangile a dit que les étoiles tomberaient sur la terre ? elles tomberont. — Comment ? — Peu importe. Dieu tiendra sa parole. — La chose est impossible… — Rien n’est impossible à Dieu, — contraire aux lois naturelles… Dieu n’obéit pas aux lois. Les lois lui obéissent…

Ainsi de suite. Avec cela et des écus, on est à cheval. Ça fait des mécontents, mais encore plus brutes ; il reste un bénéfice. Laissez donc rire ou pleurer le bon sens. Les idiots sont à vous. Ce stock en regorge pour longtemps, et d’ailleurs vous avez soin de le tenir au complet.

M. Gratry, le mémorable polytechnicien, prouve la fin du monde par le mouvement de la terre, combiné avec ces paroles d’un père de l’Église : « Rien ne se meut pour se mouvoir, mais pour arriver. Voyez un peu ! On croit le contraire de tant de gens ! ce n’est plus permis désormais après un tel oracle. Sans doute, dans son temps, le Petit Père de l’Église, astronome façon-Josué, prouvait la fin du monde par l’immobilité de la terre. Tout chemin mène à Rome.

Pour moi, j’ignore où, quand et comment notre planète se propose d’arriver. Elle ne m’a pas fait ses confidences. Je vois seulement qu’elle n’est pas pressée et s’obstine à prendre par le grand tour avec un singulier acharnement. C’est peut-être pour vexer les curieux. Quel dommage de ne pouvoir lui faire demander son passeport par un gendarme ! On connaîtrait sa provenance et ça destination.

Il y a des gens qui ont vraiment la rage de l’immobilisme. À peine viennent-ils d’apprendre à leur grand désespoir que la terre n’est point cul-de-jatte, et circule même d’un assez grand pas, que déjà ils intriguent pour couper court à sa promenade. Ils démontrent à cette curieuse que le vagabondage indéfini est prohibé par la métaphysique et par l’algèbre, et qu’il faut absolument faire une fin.

Soit ! mais ne jouons pas sur les mots. La fin de la terre n’est pas la fin du monde. L’une n’est qu’un éphémère grain de sable. L’autre, c’est l’infini et l’éternité. Les astres, comme les animaux, comme les plantes, naissent, vivent, meurent et de leurs éléments, il se reconstitue des globes nouveaux.