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“SCIENTIA„

« Citons d’abord les paroles de Laplace, c’est-à-dire du chef de l’École où l’on est le plus en garde contre les illusions de la métaphysique et le plus enclin à s’appuyer sur l’expérience : « La loi d’inertie est au moins la plus naturelle et la plus simple que l’on puisse imaginer ; elle est d’ailleurs confirmée par l’expérience : en effet nous observons sur la Terre que les mouvements se perpétuent plus longtemps à mesure que les obstacles qui s’y opposent viennent à diminuer ; ce qui nous porte à croire que sans ces obstacles ils dureraient toujours. Mais l’inertie de la matière est principalement remarquable dans les mouvements célestes qui, depuis un grand nombre de siècles, n’ont point éprouvé d’altération sensible. Ainsi nous regarderons l’inertie comme une loi de la nature, et lorsque nous observerons de l’altération dans le mouvement d’un corps, nous supposerons qu’elle est due à l’action d’une cause étrangère. » (Mécan. céleste, Ière partie, L. 1, ch. 2). Faut-il conclure de ce passage, — continue Cournot, — que dans le cas où les perfectionnements des tables et des observations auraient signalé à Laplace des traces d’altération sensible dans les mouvements des corps célestes, sa foi dans le principe de l’inertie de la matière en aurait été ébranlée ? Non certainement, et si l’on est encore aujourd’hui à la recherche de pareilles traces, ce n’est nullement pour soumettre la loi d’inertie à une épreuve décisive, c’est plutôt pour tâcher d’en conclure l’existence d’un milieu éthéré qui offre aux mouvements des astres une résistance appréciable. On trouverait même des altérations du genre de celles que la résistance d’un milieu n’expliquerait pas, qu’on les rapporterait à quelque cause inconnue, plutôt que d’abandonner un principe ou une idée que l’on regarde comme le fondement de la philosophie naturelle. De même, si l’on trouvait que deux aimants placés côté à côté impriment à une particule de fer une vitesse plus grande ou plus petite que la somme des vitesses imprimées par chacun des aimants quand ils agissent seuls, on ne regarderait pas cette expérience comme une infirmation du principe de la proportionnalité des vitesses aux forces : on aimerait mieux en conclure que les forces magnétiques influent l’une sur l’autre, par une raison inconnue, de manière à avoir une énergie plus grande ou plus petite que celle (qu’elles possédaient dans l’état d’isolement ».

M. Poincaré dira exactement de même : si le calcul de la