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du voyage de retour. L’arrivée du voyageur se produira deux jours après pendant lesquels la Terre le verra vivre deux cents fois plus vite qu’à l’ordinaire, lui verra accomplir les gestes d’une autre année pour le trouver au retour vieilli seulement de deux ans. Pendant ces deux dernières journées, pour recevoir des nouvelles de lui elle devra employer une antenne de réception deux cents fois plus courte que l’antenne du voyageur.

Ainsi la dissymétrie tenant à ce que le voyageur seul a subi, au milieu de son voyage, une accélération qui change le sens de sa vitesse et le ramène au point de départ sur la Terre, se traduit par ce fait que le voyageur voit la Terre s’éloigner et se rapprocher de lui pendant des temps égaux chacun pour lui à un an, tandis que la Terre, prévenue de cette accélération seulement par l’arrivée d’ondes lumineuses, voit le voyageur s’éloigner d’elle pendant deux siècles et revenir pendant deux jours, pendant un temps quarante mille fois plus court.

Si l’on cherche maintenant dans quelles conditions un semblable programme pourrait se réaliser, on se heurte, naturellement, à des difficultés matérielles énormes.

La théorie permet de calculer le travail que la Terre devrait dépenser pour lancer le projectile, pour lui communiquer l’énergie cinétique correspondant à son énorme vitesse. En supposant la masse du boulet égale seulement à une tonne on calcule aisément que si l’on veut ne mettre qu’un an à le lancer, en le faisant tourner à l’extrémité d’une fronde par exemple avant de l’abandonner, il faudrait faire fonctionner sans arrêt pendant cette année là quatre cents milliards de chevaux-vapeur et brûler pour les produire au moins mille kilomètres cubes de houille.

Ces difficultés au départ seraient d’ailleurs suivies de difficultés non moins grandes au moment de la réflexion ou de l’arrêt. Il faudrait tout d’abord, pour la réflexion, trouver un système capable d’emmagasiner l’énorme énergie cinétique du projectile, puis de la restituer pour le renvoyer en sens opposé avec la même vitesse. Pour l’arrêt il faudrait dissiper graduellement cette même énergie sans qu’il en résulte à aucun moment d’accélération ni d’élévation de température néfaste au projectile, alors que la quantité de chaleur équivalent à son énergie cinétique suffirait pour le porter à une température de 1016 degrés au moins.