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Nous avons d’autre part toute raison de penser que si un projectile arrivait vers la Terre avec une telle vitesse, celle-ci ne s’apercevrait même pas de son passage et qu’il s’arrêterait seulement à une certaine profondeur dans le sol sans laisser même aucun trou à l’endroit de la surface où il serait passé. À peine se produirait-il sur sa trajectoire à travers l’atmosphère un léger accroissement de la conductibilité électrique de l’air. Nous savons, en effet, par l’exemple des particules α du radium, que des atomes matériels d’hélium dont la vitesse est à peine de 20.000 kilomètres par seconde, peuvent suivre à travers la matière une trajectoire parfaitement rectiligne et traverser d’autres atomes sans laisser d’autre trace de leur passage qu’un accroissement de conductibilité, et notre projectile aurait, par unité de masse une énergie cinétique cent mille fois plus grande que les particules α. Il constituerait une radiation extraordinairement pénétrante. Il faudrait, pour éviter ces difficultés, trouver un moyen de ralentir progressivement son mouvement à mesure qu’il approcherait de la Terre. Il ne semble pas qu’on puisse non plus tenter ici l’emploi du principe de la fusée que mon ami M. Perrin propose d’utiliser pour les voyages interplanétaires.

Je n’ai développé ces spéculations que pour montrer par un exemple frappant à quelles conséquences éloignées des conceptions habituelles conduit la forme nouvelle des notions d’espace et de temps. Il faut se souvenir que c’est là le développement parfaitement correct de conclusions exigées par des faits expérimentaux indiscutables, dont nos ancêtres n’avaient pas connaissance lorsqu’ils ont constitué, d’après leur expérience que synthétisait le mécanisme, les catégories de l’espace et du temps dont nous avons hérité d’eux. À nous de prolonger leur œuvre en poursuivant avec une minutie plus grande, en rapport avec les moyens dont nous disposons, l’adaptation de la pensée aux faits.

Ce n’est pas seulement dans le domaine de l’espace et du temps que s’impose le remaniement des conceptions les plus fondamentales de la synthèse mécaniste. La masse, par laquelle se mesurait l’inertie, attribut primordial de la matière, était considérée comme un élément essentiellement inva-