Page:Scientia extract from the march-april may-june 1973 issue (Le savant hors de sa tour d’ivoire).djvu/13

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Conseil scientifique dont le président était l'éminent physicien hollandais Hendrik Antoon Lorentz. Dans un très beau rapport sur La théorie cinétique du magnétisme et les magnétons, Paul Langevin fait le point de ses derniers travaux en ce domaine, et montre que la quantification des orbites électroniques conduit à la notion de moment magnétique élémentaire - ce qui sera deux ans plus tard le magnéton de Bohr. Au cours des discussions très animées, on remarque particulièrement son acuité d'esprit et l'à-propos de ses interventions : si bien qu'on lui demande de se charger, avec Maurice de Broglie, du délicat et lourd travail du compte-rendu général des réunions. A la joie de retrouver plusieurs de ses anciens maîtres, ainsi que des amis de Paris et de Cambridge, s'ajoute celle de nouer connaissance avec d'autres collègues étrangers, parmi lesquels Einstein. Rencontre d'où devait naître une amitié exemplaire entre deux hommes si bien faits pour se comprendre : même génie créateur, même simplicité d'attitude, même générosité d'esprit et de coeur qui bientôt les unira aussi dans un même ardent amour de la justice et de la paix. Ils ne se rencontrèrent pas assez souvent à leur gré, et ne purent jamais réaliser leur désir de travailler côte à côte dans une paisible intimité ; mais ils s'écrivirent souvent[1] et furent toujours prêts à se manifester leur mutuel dévouement dans les circonstances les plus difficiles. Le premier authentique Conseil Solvay se réunit en octobre 1913 ; peu de temps auparavant, le jeune Niels Bohr, élève de Rutherford, avait créé le modèle d'atome qui porte son nom ; et ce furent encore de bien passionnantes discussions. Mais ces fructueux échanges d'idées allaient se trouver interrompus pour une longue période.

Au début de la guerre de 1914, les physiciens des deux camps, qui entamaient déjà la préparation du deuxième Conseil Solvay, envisagèrent sérieusement de poursuivre les relations scientifiques au-dessus de la mêlée ; mais cette illusion fut de courte durée, car les savants furent bientôt, dans chaque pays, mobilisés pour résoudre des problèmes de science appliquée. Pendant plusieurs mois, Paul Langevin travailla sur des questions de balistique ; puis, devant l'ampleur inquiétante que prenait la guerre sous-marine, on lui demanda d'étudier le difficile problème de la détection en mer, qui s'était déjà posé après la mémorable catastrophe du Titanic en 1912, mais n'avait pas été résolu. A ce moment-là, Richardson avait pensé, d'après un mémoire de Lord Rayleigh sur la directivité d'ondes élastiques de haute fréquence, qu'un faisceau ultrasonore pourrait permettre de détecter par écho les obstacles sous-marins ; mais il n'avait indiqué aucun procédé

  1. Ce qui a pu être retrouvé de leur correspondance a été présenté par Luce Langevin à l'occasion du centenaire de Paul Langevin, La Pensée, numéro 161, 1972, page 3.