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IVANHOÉ

prince avant que le nonchalant Athelsthane eût recouvré assez de présence d’esprit pour mettre sa personne hors de la portée de l’arme, si Cédric, aussi prompt que son compagnon était lent, n’eût, avec la rapidité de l’éclair, tiré hors du fourreau la courte épée qu’il portait, et tranché d’un seul coup la hampe de la lance.

Le sang monta au visage du prince Jean. Il jura un de ses plus terribles serments, et il allait proférer quelque menace équivalente en violence, quand il fut détourné de son dessein, en partie par sa suite, qui l’entoura, le conjurant d’être patient, et en partie par un cri général parti de la foule, qui applaudissait hautement à la conduite courageuse de Cédric.

Le prince roula ses yeux avec indignation, comme s’il eût cherché une victime plus facile, et, rencontrant par hasard le regard assuré du même archer qu’il avait déjà remarqué, et qui paraissait persister à applaudir, en dépit du sombre coup d’œil que le prince lança sur lui, il demanda pour quelle raison il acclamait ainsi :

— Je crie toujours hourra, dit le yeoman, quand je vois un beau coup vaillamment porté.

— Ah ! oui ? demanda le prince. En ce cas, tu peux toucher le noir toi-même, que je pense.

— Je toucherai le but d’un forestier donné par un forestier, pourvu qu’il soit à bonne distance, dit le yeoman.

— Il toucherait le but de Wat-Tyrrel à cent yards, dit une voix du milieu de la foule.

Mais personne ne put deviner d’où elle était partie.

Cette allusion au sort de Guillaume le Roux, son grand-père[1], alarma et irrita le prince Jean. Il se donna cependant cette satisfaction à lui-même de commander à ses hommes d’armes, qui entouraient la lice, de ne point perdre de vue ce fanfaron, et il désigna le yeoman.

— Par saint Grizel ! ajouta-t-il, nous aurons une preuve

  1. Guillaume le Roux n’a pas eu d’enfant.