Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
IVANHOÉ

avaient récemment transporté au tournoi des objets de toute espèce. Elle était rendue plus sombre encore par les buissons qui interceptaient les rayons de la lune.

On entendait les rumeurs qui s’élevaient du village, occasionnées par le réveillon, entremêlées de rires bruyants, tantôt interrompus par des cris de femmes, et tantôt par les accords de la musique. Tous ces bruits, annonçant l’état de confusion où était la ville, encombrée de seigneurs, de militaires et de leurs suites dissolues, rendirent Gurth un peu inquiet.

— La juive avait raison ! se dit-il en lui-même. Par le Ciel et saint Dunstan ! je voudrais être en sûreté et au bout de mon voyage avec ce trésor. Il y a un si grand nombre, je ne dirai pas de voleurs errants, mais de chevaliers errants, d’écuyers errants, de moines errants, de ménestrels errants, de jongleurs errants et de bouffons errants, qu’un homme ayant dans sa poche un seul marc serait en danger, à plus forte raison un pauvre porcher avec un sac de sequins. Je voudrais être sorti de l’ombre de ces buissons d’enfer, afin que je pusse du moins voir les clercs de Saint-Nicolas avant qu’ils me sautent sur les épaules.

Gurth, en conséquence, hâta le pas, afin de gagner la plaine ouverte à laquelle aboutissait le chemin ; mais il n’eut pas le bonheur d’accomplir son projet. Au moment où il gagnait l’autre extrémité du chemin, où le taillis était le plus épais, quatre hommes s’élancèrent sur lui, comme il l’avait appréhendé, deux de chaque côté de la route, et le saisirent si lestement, que la résistance eût été trop tardive, lors même qu’elle eût été praticable.

— Rendez votre dépôt, dit l’un d’entre eux ; nous sommes les libérateurs de la république qui délivre chacun de son fardeau.

— Vous ne me débarrasseriez pas si facilement du mien, murmura Gurth, dont la brusque franchise ne pouvait être domptée, même par la pression d’une violence immédiate, s’il était dans mon pouvoir de donner trois coups pour le défendre.