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IVANHOÉ

une égale adresse, tu es doublement voleur, et moi, homme de cœur, je te défie !

En disant ces mots, les deux champions marchèrent l’un sur l’autre, et, pendant quelques minutes, ils déployèrent une grande égalité de force, de courage et d’adresse, parant et rendant les coups de l’adversaire avec une suprême dextérité ; le bruit retentissant de leurs armes eût pu faire supposer, à une personne éloignée à quelque distance, qu’il y avait au moins six personnes qui luttaient de chaque côté.

Des combats moins opiniâtres et même moins dangereux ont été célébrés en beaux vers héroïques ; mais celui de Gurth et du meunier doit rester ignoré, faute d’un poëte capable de rendre justice à cette lutte accidentée. Cependant, bien que le combat au bâton soit passé de mode, ce que nous pourrons faire en prose, nous le ferons pour honorer ces braves champions.

Ils combattirent longtemps, jusqu’au moment où le meunier commença à se fâcher de trouver un si fier adversaire et d’entendre le rire de ses camarades, qui, ainsi qu’il arrive en pareille circonstance, se réjouissaient de sa mauvaise humeur. Cette disposition d’esprit n’était guère favorable au noble jeu du bâton, dans lequel il faut le plus grand sang-froid, et cela fournit à Gurth, dont le caractère, bien qu’un peu bourru, était calme et posé, l’occasion de prendre le dessus ; il en profita en maître.

Le meunier s’avança furieux, en portant des coups alternativement des deux bouts de son arme, et cherchant à s’approcher à une demi-distance, tandis que Gurth se défendait contre l’attaque, tenant son bâton de ses deux mains espacées de trois pieds, et se couvrant en déplaçant son arme avec une grande agilité, de manière à protéger sa tête et son corps. Il se tint ainsi sur la défensive, marquant la mesure de l’œil, du pied et de la main jusqu’au moment où, voyant son adversaire essoufflé, il lui porta de la main gauche un coup de pointe à la figure ; et, comme le