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IVANHOÉ.

impuissantes. Alors vient le remords avec toutes ses vipères, les vains regrets du passé et le désespoir de l’avenir. Alors, quand toutes les facultés sont suspendues, nous devenons semblables aux démons de l’enfer qui ressentent le remords, mais qui ignorent le repentir. Mais tes paroles ont fait naître en moi une nouvelle âme. Tu as bien dit : « Tout est possible à ceux qui osent mourir ! » Tu m’as montré les moyens de me venger, et sois certain que j’en ferai usage. Ce sentiment n’avait eu sur moi jusqu’ici qu’un empire partagé avec d’autres passions rivales ; dorénavant il me remplira tout entière, et tu pourras dire toi-même que, quelle qu’ait été la vie d’Ulrica, sa mort fut digne de la fille du noble Torquil. Il y a une troupe d’hommes au-dehors ; ils assiégent ce château maudit ; hâte-toi de les conduire à l’assaut, et, quand tu verras un drapeau rouge flotter sur la tourelle, à l’angle est du donjon, ordonne l’assaut, attaque les Normands avec rigueur ; ils auront assez d’ouvrage dans l’intérieur, et tu pourras gagner le mur en dépit des flèches et des javelots. Pars, je t’en prie ! suis ta destinée et laisse-moi subir la mienne.

Cédric eût désiré pénétrer plus avant dans le dessein d’Ulrica ; mais la voix farouche de Front-de-Bœuf se fit entendre.

— À quoi s’amuse donc ce fainéant de prêtre ? criait-il. Par les coquilles de Compostelle ! je vais en faire un martyr, s’il reste ici à flâner et à semer la trahison parmi mes domestiques.

— Quel bon prophète qu’une mauvaise conscience ! dit Ulrica ! Mais ne l’écoute pas ; sors et va rejoindre tes gens. Pousse le cri saxon pour commencer l’attaque, et, si les Normands y répondent par le chant guerrier de Rollon, la vengeance se chargera du refrain.

En achevant ces mots, elle disparut par une porte secrète, et Réginald Front-de-Bœuf entra dans l’appartement.

Cédric s’efforça, non sans peine, à saluer le fier baron, qui lui rendit sa politesse par une légère inclination de tête.