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IVANHOÉ.

— Tes pénitents, mon père, ont fait, il me semble, une longue confession. Tant mieux pour eux, puisque c’est la dernière qu’ils feront jamais. Les as-tu préparés à la mort ?

— Je les ai trouvés, dit Cédric en parlant français le mieux qu’il put, s’attendant à tout, du moment qu’ils ont su entre les mains de qui ils étaient tombés.

— Comment donc, sire moine ! dit Front-de-Bœuf, il me semble que ton discours sent terriblement le saxon.

— J’ai été élevé au couvent de Saint-Withold de Burton, répondit Cédric.

— Oui, dit le baron, il eût mieux valu pour toi que tu fusses Normand, et pour moi aussi ; mais, dans le besoin, on ne peut choisir ses messagers. Ce couvent de Saint-Withold de Burton est un nid de hiboux qui vaut la peine d’être déniché, et le jour viendra bientôt où le froc ne protégera pas plus le Saxon que la cotte de mailles.

— Que la volonté de Dieu soit faite ! dit Cédric d’une voix tremblante de colère, expression que Front-de-Bœuf imputa à la crainte.

— Je vois, dit le baron, que tu penses déjà que nos hommes d’armes sont dans les réfectoires et dans les celliers ; mais rends-moi un service de ton pieux ministère, et advienne que pourra aux autres ! Toi, tu dormiras aussi sûrement dans ta cellule qu’un escargot dans sa maison protectrice.

— Donnez-moi vos ordres, s’écria Cédric en comprimant son émotion.

— Suis-moi donc dans ce passage, dit Front-de-Bœuf, afin que je puisse te congédier par la poterne.

Et, tout en précédant le prétendu moine, Front-de-Bœuf l’instruisit du rôle qu’il voulait lui faire jouer.

— Tu vois, sire moine, lui dit-il, ce troupeau de porcs saxons qui ont osé entourer mon château de Torquilstone : dis-leur tout ce qui te plaira de la faiblesse de ce fort, et tout ce qui pourra les engager à rester sous ces murs pendant vingt-quatre heures. En attendant, porte cette missive. Mais doucement, sais-tu lire, sire moine ?