Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
IVANHOÉ.

zèle qui a dévoré ma substance et ma vie, qui a consumé jusqu’à mes nerfs et à la moelle même de mes os ! par ce Temple sacré, je te jure que, excepté toi et un petit nombre de mes frères qui conservent encore l’ancienne austérité de notre ordre, je n’en vois aucun digne de ce saint nom ! Que disent nos statuts ? et comment nos frères les observent-ils ? Ils ne devraient porter aucun ornement mondain, ni panache sur leur casque, ni éperons d’or, ni brides dorées, et cependant, qui se pare plus splendidement que ces pauvres soldats du Temple ? Par nos statuts, il leur est défendu de se servir d’un oiseau pour prendre un autre oiseau, de chasser à l’arc ou à l’arbalète, de sonner du cor ou de poursuivre le gibier à cheval. Mais, aujourd’hui, la chasse, la fauconnerie, la vénerie, la pêche, qui est plus enclin à toutes ces folles vanités que les templiers ? Il leur est défendu de lire d’autres livres que ceux que leur supérieur autorise, ou d’écouter aucune lecture si ce n’est celle des saintes Écritures pendant les heures des repas ; mais voilà que leurs oreilles sont ouvertes à tous les ménestrels vagabonds, et que leurs yeux étudient leurs vaines romances ! Il leur a été enjoint d’extirper la magie et l’hérésie, et voilà qu’on les accuse d’étudier les secrets cabalistiques des juifs et la magie païenne des Sarrasins ! On leur a prescrit la frugalité dans les repas, l’usage de la viande seulement trois fois par semaine, parce que l’abus de cette nourriture engendre une corruption honteuse du corps, et voici que leurs tables plient sous le poids d’une nourriture délicate et recherchée ! L’eau pure devait être leur seule boisson, et maintenant tout homme qui veut passer pour un joyeux compagnon se vante de boire comme un templier ! Ce jardin même, tout rempli qu’il est de plantes précieuses et d’arbres curieux transplantés des climats de l’Orient, conviendrait mieux au harem d’un émir infidèle qu’à un couvent où des moines chrétiens ne devraient cultiver que de modestes légumes. Encore, mon cher Conrad, si le relâchement de la discipline