Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/469

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
151
IVANHOÉ.

solennité et en levant les yeux au ciel, quand viendras-tu avec les vanneurs pour séparer l’ivraie du bon grain ?

Montfichet prit la lettre de son supérieur et allait la parcourir.

— Lis-la tout haut, Conrad, dit le grand maître, et toi, juif, sois bien attentif ; car nous te questionnerons relativement à cette lettre.

Conrad lut la lettre, qui était conçue en ces termes :

« Aymer, par la divine grâce, prieur de la maison de Cîteaux de Sainte-Marie de Jorvaulx, à sire Brian de Bois-Guilbert, chevalier du saint ordre du Temple, souhaite joie et santé, accompagnées de tous les dons et faveurs du roi Bacchus et de dame Vénus.

Quant à nous, cher frère, nous sommes captif entre les mains d’hommes proscrits, sans loi ni religion, qui n’ont pas craint de retenir notre personne et de nous mettre à rançon ; par eux, nous avons appris tout à la fois le funeste destin de Front-de-Bœuf, et ta fuite avec cette belle sorcière juive dont les yeux noirs t’ont ensorcelé. Nous nous réjouissons beaucoup de te savoir en sûreté ; néanmoins, nous te prions d’être sur tes gardes relativement à cette nouvelle magicienne d’Endor, car nous avons appris secrètement que votre grand maître, qui ne donnerait pas un fétu de toutes les joues roses et de tous les yeux noirs du monde, arrive de Normandie pour mettre des bornes à votre vie joyeuse et faire cesser vos infractions à la règle. Or, nous te prions cordialement de prendre garde, et de veiller, comme dit le saint texte, inveniantur vigilitantes. Le juif opulent, père de ta Rébecca, Isaac d’York, m’ayant demandé une lettre de recommandation, nous lui avons donné celle-ci ; nous te conseillons ardemment et te supplions d’accepter la rançon qu’il doit t’offrir pour la demoiselle ; car il peut te donner de quoi acheter cinquante jeunes filles à des conditions plus sûres. J’espère bien en avoir ma part quand nous festoierons ensemble, en vrais frères, sans oublier la