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AVERTISSEMENT


Le but de l’histoire suivante est de faire connaître d’une manière exacte certains événements qui se passèrent dans les îles Orcades, et dont les traditions imparfaites, des relations tronquées, n’ont conservé que les particularités peu fidèles que je transcris ici :

— En janvier 1724-25, un bâtiment nommé the Revenge[1], armé de trente gros canons et de six d’un moindre calibre, commandé par John Gow ou Goffe ou Smith, aborda dans les îles Orcades ; les déprédations et l’insolence de l’équipage le firent bientôt connaître comme pirate. N’ayant ni armes ni moyens de résistance, les habitants de ces îles éloignées se soumirent quelque temps à leurs oppresseurs, dont le capitaine fut assez audacieux, non seulement pour descendre à terre, mais pour donner des bals dans le village de Stromness : il réussit même à gagner le cœur d’une jeune personne qui possédait quelque fortune, et reçut d’elle la promesse de sa foi avant qu’on eût découvert qui il était.

Un bon citoyen, James Fea, jeune homme de Clestron, forma le projet de s’emparer du flibustier, et il y réussit en employant tour à tour l’adresse et le courage. Une circonstance l’y aida beaucoup. Le bâtiment de Gow vint à échouer près du havre de Calfsound, dans l’île d’Eda, à peu de distance d’une maison où Fea demeurait, et celui-ci inventa différents stratagèmes, les exécuta au péril de sa vie, pour faire prisonniers tous les pirates, hommes déterminés et bien armés. Il fut puissamment secondé par M. James Laing, aïeul de feu Malcolm Laing, l’ingénieux auteur de l’Histoire d’Écosse pendant le dix-septième siècle.

En vertu d’une sentence rendue par la haute cour de l’amirauté, Gow et plusieurs hommes de son équipage reçurent la punition que méritaient leurs crimes. Le capitaine déploya une audace sans exemple, et, d’après le rapport d’un témoin oculaire, on le traita avec une sévérité extraordinaire pour le contraindre à répondre. Voici les termes du récit auquel j’emprunte ces détails : — « John Gow ne voulant pas répondre, on le fit amener à la barre, et le juge ordonna que deux hommes lui serreraient les pouces avec une ficelle jusqu’à ce qu’elle se rompît ; qu’on la doublerait pour les lui serrer de nouveau, jusqu’à ce que la double corde se rompît encore ; enfin qu’on en prendrait trois, que les exécuteurs serreraient de toutes leurs forces. Gow subit cette torture avec la plus grande fermeté. » — Le lendemain matin (27 mai 1725), à la vue des apprêts du supplice, son courage l’abandonna, et il dit au maréchal de la cour qu’il

  1. La Vengeance ou la Revanche.