Page:Scott - Le Pirate, trad. de Defauconpret, Librairie Garnier Frères, 1933.djvu/8

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dédaigner de se coucher, tant il se lève matin dans cette saison, nous doublâmes l’extrémité nord de l’Écosse et fîmes une rapide inspection aux Hébrides, où nous rencontrâmes plusieurs amis. Là, afin que la dignité du danger ne manquât pas à notre petite excursion, nous fûmes favorisés de la vue très lointaine d’un navire qu’on nous dit être un garde-côte américain, circonstance qui nous permit de réfléchir sur l’agréable figure que nous aurions faite si notre voyage avait abouti à nous voir emmener prisonniers aux États-Unis. Passant des côtes romantiques de Morven et d’Oban à une excursion sur les rives d’Irlande, nous vîmes la chaussée du Géant et nous pûmes la comparer avec Staffa, inspectée par nous peu auparavant. Enfin, vers le milieu de septembre, nous rentrâmes dans les eaux de la Clyde, au port de Greenock.

Ainsi se termina cette agréable tournée dans le cours de laquelle nous eûmes des facilités peu communes : l’équipage du bâtiment pouvant fournir celui d’une forte chaloupe, indépendamment des hommes nécessaires à bord, nous débarquions dans tous les endroits qui excitaient notre curiosité. Qu’il me soit permis d’ajouter qu’entre les six ou sept amis qui firent ensemble ce voyage et restèrent plusieurs semaines resserrés dans un étroit yacht, et dont quelques-uns sans doute différaient de goûts et de caractère, il ne s’éleva jamais l’ombre d’une discussion ou du plus léger dissentiment, tant chacun semblait empressé de subordonner ses propres désirs à ceux des autres. Le but de notre petite expédition fut donc complètement atteint, et nous aurions pu répéter ces paroles du beau chant de mer d’Allan Cunningham :


Gais enfants des plaisirs, sur l’humide patrie
Nous fûmes balancés, menant joyeuse vie.


Mais le chagrin mêle ses souvenirs à ceux du plaisir le plus pur : au retour d’un si agréable voyage, j’appris que le destin avait enlevé à son pays, d’une manière fort inattendue, une femme douée de toutes les qualités propres à orner le haut rang qu’elle occupait, et qui longtemps m’avait accordé une part dans ses affections ; peu après, la perte d’un de nos compagnons, de l’ami le plus intime que j’eusse dans le monde, vint encore obscurcir des souvenirs dont rien, sans ces cruelles circonstances, n’eût altéré la douceur.

Je ferai ici cette courte remarque que mon objet, si tant est que je puisse dire en avoir eu aucun, était de tâcher de découvrir quelques sites qui pussent m’être utiles dans le « Lord des Îles, » poème dont le public était alors menacé par moi, et qui depuis a été publié sans grand succès. De plus, à la même époque, le roman anonyme de Waverley se frayant une route à la popularité, je présageais la possibilité d’un second effort dans ce genre de littérature, et je trouvai dans les îles sauvages d’Orcades et de Shetland beaucoup de choses que je jugeai susceptibles d’inspirer le plus haut degré d’intérêt, si