Page:Scott - Le Pirate, trad. de Defauconpret, Librairie Garnier Frères, 1933.djvu/9

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jamais ces îles devenaient le théâtre sur lequel se développeraient les événements imaginaires d’une narration fictive. L’histoire de Gow le pirate[1], je l’appris d’une vieille sibylle qui vivait principalement du commerce des bons vents vendus par elle aux marins à Stromness. Rien de plus affable que l’accueil et l’hospitalité des gentlemen de Shetland, et ils se montrèrent d’autant plus affectueux pour moi que plusieurs d’entre eux avaient été les amis et les correspondants de mon père.

J’ai remonté d’une ou de deux générations, afin de trouver un cadre convenable pour l’ancien udaller norvégien : la petite noblesse d’Écosse ayant presque partout pris la place de cette race primitive, son langage et ses usages particuliers ont entièrement disparu. La seule différence à établir aujourd’hui entre la noblesse de ces îles et celle de l’Écosse en général, c’est que la fortune et la propriété se trouvent plus également réparties chez nos concitoyens du nord, et que, parmi les propriétaires résidants, il n’en existe aucun dont l’immense fortune, le luxe éclatant, puisse rendre les autres mécontents de leur propre lot. Par ce même motif de l’égalité des revenus et du bon marché des choses nécessaires à la vie, qui en est la conséquence naturelle, j’ai vu les officiers d’un régiment de vétérans, en garnison au fort Charlotte, à Lerwick, s’attrister à l’idée d’être rappelés d’une contrée où leur paie, quoique insuffisante à leurs dépenses dans une capitale, subvenait à tous leurs besoins : il était singulier d’entendre ces fils de la joyeuse Angleterre regretter ainsi les îles mélancoliques de la lointaine Thulé.

Telles sont les particularités assez vulgaires qui ont présidé à la naissance de cet ouvrage ; il parut plusieurs années après l’agréable tournée à laquelle il doit l’existence.

Les mœurs que j’ai introduites dans le roman sont en grande partie imaginaires, quoique fondées en quelque façon sur de légers aperçus qui montrant ce qui existait, semblent des indications plausibles de ce que doit avoir été jadis le ton de la société dans ces îles séparées du monde, mais si intéressantes.

Les critiques m’ont peut-être jugé avec un peu trop de précipitation, lorsqu’ils ont avancé que le caractère de Norna était la simple copie de Meg Merrilies. Que je sois resté court dans ce que je voulais et désirais exprimer, c’est une chose hors de doute, puisque mon but a été si entièrement méconnu ; néanmoins, je crois que toute personne qui prendra la peine de lire le Pirate avec quelque attention, reconnaîtra sans peine dans Norna la victime du remords et de la folie, la dupe de sa propre imposture : cet esprit, nourri de la littérature sauvage et des extravagantes superstitions du nord, a une touche différente de la bohémienne du comté de Dumfries, dont les prétentions à une puissance surnaturelle ne s’élèvent pas au-dessus de celles d’une prophétesse des mêmes régions. Les bases de ce caractère ont

  1. Voir l’Avertissement.