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L’enlèvement

domaine de sa famille. Tout à coup, et sans qu’on s’y attendît, il revint, veuf, amenant avec lui sa fille, alors âgée d’environ dix ans. Depuis ce moment, ses dépenses parurent excessives aux yeux des simples habitants des montagnes au milieu desquelles il était né, et l’on supposait généralement qu’il était fortement endetté. Néanmoins, il continua à vivre avec la même prodigalité jusqu’à l’époque qui précéda de quelques mois le commencement de notre histoire, époque à laquelle l’opinion publique sur le mauvais état de ses affaires fut confirmée par la résidence au château d’Ellieslaw de M. Ratcliffe, qui, du consentement tacite, quoique évidemment au grand désespoir du seigneur du manoir, parut, dès le moment de son arrivée, prendre et exercer une influence prédominante et inconcevable dans la conduite de ses affaires particulières.

Ce M. Ratcliffe était un homme grave, réfléchi et réservé, et déjà avancé en âge. Les personnes qui avaient occasion de lui parier d’affaires le trouvaient fort entendu dans tout ce qui y avait rapport. Il était peu communicatif, mais lorsqu’une occasion particulière se présentait, ou bien en conversation, il montrait un esprit actif et plein d’instruction. Pendant quelque temps, avant de fixer sa résidence au château, il y avait fait quelques visites, et dans ces occasions, M. Vère, contre son usage habituel envers ceux qui étaient d’un rang inférieur au sien, avait eu pour lui de grandes attentions et même de la déférence. Cependant son arrivée semblait toujours lui causer une sorte d’embarras, et son départ lui donner du soulagement ; et il ne fut pas difficile de remarquer le mécontentement qu’éprouva M. Vère lorsque Ratcliffe se fixa entièrement dans sa famille. Au fait il y avait dans leurs rapports un singulier mélange de confiance et de contrainte. Les affaires les plus importantes de M. Vère étaient réglées par M. Ratcliffe ; et quoiqu’il ne fût pas de ces