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L’enlèvement

vivons pas dans le siècle des romans, où l’on enlevait les dames uniquement pour leur beauté.

— Je crains, dit M. Vère, de ne pouvoir que trop bien expliquer cet étrange accident. Lisez cette lettre, que miss Lucy Ilderson a jugé à propos d’écrire de mon château d’Ellieslaw au jeune M. Earnscliff, que j’ai le droit héréditaire d’appeler mon ennemi. Vous voyez qu’elle lui écrit comme confidente d’une passion qu’il a eu l’effronterie de concevoir pour ma fille ; elle lui dit qu’elle plaide sa cause auprès de son amie avec la plus grande ardeur ; mais qu’il a dans la place un ami qui le sert d’une manière plus efficace. Remarquez surtout les passages marqués au crayon, monsieur Ratcliffe, dans lesquels cette fille intrigante conseille d’avoir recours à des mesures hardies, en l’assurant que son amour sera couronné de succès partout ailleurs que dans les limites de la baronnie d’Ellieslaw.

— Et vous concluez, monsieur Vère, dit Ratcliffe, d’après cette lettre romanesque d’une jeune fille très-romanesque elle-même, que le jeune Earnscliff a enlevé votre fille, et a commis un acte aussi criminel de violence, sans autre meilleur avis, sans autre assurance plus positive que l’avis qui lui a été donné par miss Lucy Ilderson ?

— Comment penser différemment ? dit Ellieslaw.

— Qui pouvez-vous accuser ? dit sir Frédéric ; ou quelle autre personne avait intérêt à commettre un tel crime ?

— Quand ce serait là le meilleur moyen d’établir quel est le coupable », dit M. Ratcliffe avec calme, « il serait facile d’indiquer des personnes dont le caractère a plus d’affinité avec de pareilles actions, et qui ont aussi des motifs suffisants pour les commettre. Supposons qu’il ait été jugé convenable de placer miss Vère dans quelque endroit où l’on pût exercer sur ses inclinations un degré de contrainte que l’on ne pouvait tenter sous le toit du château