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Entretien et promesses

Isabelle eut bien de la peine à s’empêcher de pousser un cri ; cependant elle réussit à se contenir.

« Telle est, continua le reclus, la vie de l’homme de la nature, du solitaire, se suffisant à lui-même et indépendant. Le loup n’en appelle pas un autre à son aide pour creuser son repaire, et le vautour n’invite pas un autre vautour à lui prêter son assistance pour fondre sur sa proie.

— Et lorsqu’ils sont incapables de se procurer par eux-mêmes les moyens de subsistance », dit Isabelle, pensant judicieusement qu’il l’écouterait plus favorablement si elle employait le même style métaphorique, « que peuvent-ils devenir ?

— Qu’ils meurent de faim et qu’ils soient oubliés, c’est le commun destin de l’humanité.

— C’est le destin des tribus sauvages de la nature, dit Isabelle, mais, principalement de celles qui ne peuvent se nourrir que par la rapine qui n’admet point de copartageant ; mais ce n’est pas général ; même les classes inférieures se liguent entre elles pour la défense commune. Le genre humain, les hommes périraient tous, s’ils cessaient de s’aider les uns les autres. Depuis le moment que la mère enveloppe la tête de l’enfant jusqu’à celui où une main compatissante essuie la sueur froide qui couvre le front du mourant, nous ne pouvons exister sans secours mutuel. Ainsi, tous ceux qui ont besoin d’aide sont en droit d’en exiger de leurs semblables, et celui qui a le pouvoir de l’accorder ne saurait le refuser sans crime.

— Et c’est dans ce frivole espoir, pauvre jeune fille, que tu es venue dans ce désert pour chercher un homme dont le désir serait de voir la ligue dont tu as parlé rompue, pour toujours, et la race tout entière effectivement anéantie ? N’as-tu pas été effrayée ?

— Le malheur », dit Isabelle avec fermeté, « dissipe bientôt toute crainte.