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Le Miroir de ma Tante Marguerite

avait beaucoup lu ; « ce sont surtout ceux qui ressemblent au traducteur du Tasse,

Poëte ingénieux, dont l’esprit exalté
Aux merveilles qu’il peint prête une vérité.

« On n’exige pas cependant que vous éprouviez les sensations pénibles que ces prodiges peuvent faire naître ; une semblable crédulité dans ces temps-ci n’appartient qu’aux sots et aux enfants. Il est inutile que vos oreilles éprouvent une espèce de tintement, ou que vous changiez de couleur comme Théodore à l’apparition du spectre du Chasseur[1]. Tout ce qui est indispensable pour jouir de la douce impression d’une crainte surnaturelle, c’est que vous soyez susceptible de ce léger tressaillement ou frissonnement, qu’un conte terrible fait éprouver, surtout lorsque le narrateur prévient d’avance qu’il doute de ce qu’il avance, mais qu’il trouve cependant inexplicable. Il existe un autre symptôme, c’est l’hésitation momentanée avec laquelle on regarde autour de soi lorsque l’intérêt du conte est porté au plus haut degré ; et le troisième point est de craindre de se regarder dans un miroir lorsqu’on se trouve seul le soir dans sa chambre. Voilà les signes qui attestent que l’imagination d’une femme est montée au point d’exaltation nécessaire, pour qu’un conte de revenant produise chez elle cet effet. Je ne chercherai point à dépeindre les impressions analogues chez un homme.

— Cette particularité d’éviter le miroir, ma chère tante, doit être assez rare parmi votre sexe.

— En fait de toilette, mon cher neveu, vous n’êtes encore qu’un novice. Toutes les femmes consultent leur miroir avec empressement avant d’aller dans le monde ; mais de retour chez elles, le miroir n’a plus

  1. Ballade anglaise. A. M.