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Le Miroir de ma Tante Marguerite

ment dans quelle année sir Philippe passa en Flandre. Seulement c’était une de celles où la campagne s’ouvrit avec une fureur extraordinaire ; et plusieurs sanglantes escarmouches eurent lieu entre les Français et les alliés. De toutes nos modernes améliorations, il n’y en a pas de plus grande que l’exactitude et la promptitude avec laquelle les nouvelles sont transmises. Devant les campagnes de Marlborough le chagrin de ceux qui y avaient des parents était bien augmenté par l’inquiétude de ne pas en recevoir de nouvelles, surtout sachant qu’il y avait eu des batailles sanglantes de livrées ; et il était probable que ceux qui excitaient notre intérêt y avaient pris part. Parmi les personnes qui souffraient le plus de cette horrible inquiétude était… j’allais dire la femme abandonnée de l’élégant sir Philippe : une seule lettre l’avait informée de son arrivée sur le continent, et on n’en reçut point d’autres. Seulement on apprit par la gazette que le volontaire sir Philippe, ayant été envoyé comme chargé d’une reconnaissance dangereuse, avait déployé dans cette mission le plus grand courage et la plus active intelligence. On ajoutait en outre, qu’il avait reçu de son officier commandant les plus grands éloges. La pensée de la gloire qu’il avait acquise fit naître un instant une légère rougeur d’émotion sur la joue pâle de sa femme, mais bientôt aussi reprit sa pâleur habituelle en songeant au danger qu’il avait couru. Après cette nouvelle on n’en reçut ni de sir Philippe ni de leur frère le major Falconer. La position de lady Forester ne différait pas de celle de beaucoup d’autres ; mais un esprit faible est toujours irritable, et l’incertitude que quelques personnes supportent avec une indifférence qui tient souvent de leur constitution, ou d’une résignation philosophique, ou enfin de l’heureuse disposition de voir tout en beau, était insupportable pour lady Forester qui en même temps était sensible, triste et dépourvue de la moindre force d’âme naturelle ou acquise.