Page:Scott - Le nain noir, Le miroir de ma tante Marguerite, trad Montémont, 1916.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
L’apparition

voix entre dans mes oreilles comme des aiguilles pointues

— Que le bon Dieu nous bénisse ! » dit tout bas Hobbie ; « est-il possible que les morts portent une aussi grande haine aux vivants ? Son âme doit être en proie à de grandes souffrances.

— Venez, mon ami, dit Earnscliff ; vous paraissez éprouver quelque grande affliction. L’humanité, et nous ne consultons qu’elle seule, ne nous permet pas de vous laisser ici.

L’humanité ! » s’écria l’être inconnu en poussant un éclat de rire de mépris qui se fit entendre comme un cri perçant ; « où avez-vous pris ce vain mot, ce lacet à bécasses, ce voile derrière lequel sont les trappes à prendre les hommes. L’insensé qui se laissera prendre à cet appât reconnaîtra bientôt qu’il n’a servi qu’à voiler un hameçon dont les pointes sont dix fois plus aiguës encore que celles que vous destinez à augmenter le luxe de vos tables ?

— Je vous dis, mon ami », répliqua de nouveau Earnscliff, « que vous êtes hors d’état de juger de votre propre situation ; vous périrez dans cet endroit sauvage, et nous devons, par véritable compassion, vous forcer à venir avec nous.

— Je ne m’en mêle pas du tout, dit Hobbie ; pour l’amour de Dieu ! laissez donc l’esprit agir comme il l’entendra.

— Que mon sang retombe sur ma tête, si je péris ici ! » dit le petit homme qui, remarquant qu’Earnscliff avait l’intention de se saisir de lui, ajouta : Mais n’accusez que vous seul de votre mort ; si vous aviez le malheur de toucher le bord de mes vêtements, ils seraient infectés du poison de la mortalité ! »

La lune brilla de tout son éclat au moment où il prononçait ces paroles, ce qui fit remarquer à Earnscliff qu’il tenait à la main une arme offensive, qu’il crut être une longue lame de couteau, ou un canon