Page:Scott - Le nain noir, Le miroir de ma tante Marguerite, trad Montémont, 1916.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
Le Nain Noir

ajouta-t-il en élevant la voix, vous faites là un ouvrage bien solide. »

L’être auquel il s’adressait leva les yeux, jeta sur lui des regards affreux, et, relevant son corps qui était alors penché, se tint debout devant eux dans toute sa hideuse difformité naturelle.

Sa tête était d’une grosseur extraordinaire, couverte de cheveux longs et crépus, en partie blanchis par l’âge ; ses sourcils épais et saillants ombrageaient de petits yeux noirs et perçants, profondément enfoncés dans leurs orbites, et roulant avec une férocité sauvage qui annonçait une sorte d’absence de raison. Ses autres traits avaient ce caractère rude, brut, qu’un peintre donnerait à ceux d’un géant de roman, en y ajoutant cette expression farouche, irrégulière et si souvent marquée comme étant particulière à la physionomie des personnes contrefaites. Son corps, large et carré, comme celui d’un homme de taille moyenne, était monté sur deux larges pieds ; mais la nature semblait avoir oublié les jambes et les cuisses, ou du moins elles étaient si courtes, qu’elles étaient cachées par les vêtements qu’il portait. Ses bras étaient longs et charnus, terminés par deux mains musculeuses, et les endroits qui, dans l’ardeur du travail, restaient découverts, s’étaient hérissés d’un poil noir et rude. On aurait dit que la nature avait destiné les parties de son corps, prises séparément, à être les membres d’un géant, mais qu’ensuite elle les avait par bizarrerie adaptés au corps d’un nain tant il y avait peu de rapport entre la longueur de ses bras et la force extraordinaire d’un côté, et la petitesse de sa taille de l’autre. Son vêtement était une tunique brune d’une étoffe grossière, de la forme d’un froc de moine, serrée autour de ses reins par une ceinture de peau de chien de mer. Il avait sur la tête un bonnet fait avec une peau de blaireau, ou de quelque autre fourrure grossière, qui ajoutait singulièrement à l’effet grotesque