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Visite au solitaire

« Vous travaillez beaucoup, Elshie », dit-il, en cherchant à engager une conversation avec cet être singulier.

« Travailler, répéta le Nain, c’est le moindre des maux attachés à un sort aussi misérable que celui du genre humain ; mieux vaut travailler comme moi que s’amuser comme vous.

— Je ne soutiendrai pas qu’il y a de l’humanité dans nos amusements ordinaires de la campagne, Elshie, dit Earnscliff, et cependant…

— Et cependant, interrompit le Nain, ils valent mieux que votre occupation ordinaire ; il vaut mieux exercer votre folle et vaine cruauté contre des poissons muets que contre vos semblables. Et néanmoins, pourquoi parlerais-je ainsi ? Pourquoi ne pas laisser tout le troupeau des hommes se buter les uns contre les autres, s’entr’égorger et s’entre-dévorer, jusqu’à ce qu’ils soient tous détruits, à l’exception d’un énorme et bien gras Beternoth ; et que celui-ci après avoir étranglé tous ceux de son espèce et en avoir rongé les os, sa proie venant à lui manquer, il rugisse des jours entiers, parce qu’il n’aura plus de nourriture, et finisse par mourir pouce par pouce, dans les horreurs de la faim ? Ce serait une consommation digne de cette race.

— Vos actions, Elshie, valent mieux que vos paroles ; cependant vous cherchez à conserver une race que votre misanthropie calomnie.

— C’est vrai, répliqua le Nain ; mais pourquoi ? Écoutez-moi : vous êtes un de ceux que je vois avec le moins de dégoût, et je veux bien, contre mon usage, perdre quelques paroles, par pitié pour votre aveugle infatuation. Si je ne puis envoyer la maladie dans les familles, ou la mortalité parmi le bétail, puis-je mieux arriver au même but qu’en prolongeant la vie de ceux qui peuvent servir à opérer la destruction d’une manière tout aussi efficace ? Si Alix de Bower était morte l’hiver dernier, le jeune Ruthwin