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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

aux larmes et aux punitions ; si bien que les églogues de Virgile et les odes d’Horace ne lui rappellent plus que la figure boudeuse et la déclamation monotone de quelque enfant à la voix criarde.

Pour moi, ces promenades du soir ont été les heures les plus douces d’une vie malheureuse.

Dans ces heures d’un agréable loisir, je me plais surtout à visiter un endroit situé sur le bord d’un petit ruisseau qui, serpentant à travers une vallée couverte de fougères, va passer devant l’école de Gandercleugh. Au bout de la petite vallée, et dans un lieu écarté, se trouve un cimetière abandonné. Ce fut longtemps le but favori de mes promenades.

Cet asile a toute la solennité des cimetières, sans exciter les sentiments pénibles que ces lieux nous font éprouver. Depuis plusieurs années, il est tellement abandonné, que ses tertres épars çà et là sont couverts de la même verdure qui forme le tapis de la plaine entière. Les monuments funèbres, et il n’y en a que sept ou huit, sont à demi enfoncés en terre et cachés sous la mousse. Ceux qui dorment sous nos pieds ne tiennent à nous que par la réflexion que nous faisons qu’ils furent jadis ce que nous sommes aujourd’hui, et que, de même que leurs restes sont identifiés avec la terre, notre mère commune, les nôtres seront soumis un jour à la même transformation.

Quoique depuis quatre générations la mousse recouvre les plus modernes de ces humbles tombeaux, la mémoire de ceux qu’ils renfermèrent est cependant encore l’objet d’un culte respectueux. Il est vrai que sur le plus considérable, et le plus intéressant pour un antiquaire, sur celui qui porte l’effigie d’un valeureux chevalier revêtu de sa cotte de mailles, avec son bouclier au bras gauche, les armoiries sont effacées par le temps, et quelques lettres nous laissent incertains s’il faut lire Dn. Johan… de Hamel…Johan… de Lamel… Il est vrai encore, quant à l’autre, où sont richement sculptées une mitre, une croix et une crosse, que la tradition peut tout au plus nous apprendre qu’un prélat obscur y fut inhumé. Mais sur deux autres pierres à peu de distance, on lit, en prose grossière et en vers non moins grossiers, l’histoire de ceux qui reposent dessous. L’épitaphe nous assure qu’ils appartiennent à la classe de ces presbytériens persécutés qui figurèrent si malheureusement sous le règne de Charles II et de son successeur[1].

En revenant du combat des collines de Pentland, une troupe d’insurgés avait été attaquée dans ce vallon par un détachement des soldats du roi, et trois ou quatre d’entre eux furent tués dans

  1. Jacques VII, roi d’Écosse de ce nom, et Jacques II seulement dans l’énumération des rois d’Angleterre. — J. C.