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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

et farouche. Avant de rien dire à Morton, il se jeta à genoux, implorant le ciel pour l’Église d’Écosse. Sa dernière prière appelait la vengeance sur les oppresseurs. Son invocation au Très-Haut terminée, il se releva, prit Morton par le bras, et ils descendirent du grenier à foin dans l’écurie, où l’homme errant (pour donner à Burley un nom qui a servi souvent à désigner sa secte) se mit à préparer son cheval. Quand il l’eut sellé et bridé, il pria Morton de l’accompagner jusqu’à une portée de fusil dans le bois, et de le mettre sur le sentier qui conduisait aux marais. Morton y consentit volontiers.

Ils firent environ un mille. Tout à coup Burley se tourna vers son guide et lui dit : — Eh bien, mes paroles d’hier ont-elles porté fruit dans votre esprit ?

— Je suis toujours dans la même opinion, répondit Morton ; mon désir est d’allier, aussi longtemps que je le pourrai, les devoirs de chrétien à ceux de paisible sujet.

— C’est-à-dire, reprit Burley, que vous voulez servir en même temps Dieu et Mammon. Croyez-vous vivre parmi les mécréants, les papistes, les prélatistes, et partager leurs plaisirs ? Je vous dis que toute communication avec les ennemis de l’église est maudite de Dieu. Ne touchez à rien, ne goûtez à rien, ne vous affligez de rien, comme si vous étiez le seul appelé à dompter vos affections charnelles et à renoncer aux pièges du plaisir. Je vous dis que le fils de David a condamné à cette épreuve toute la génération des hommes.

Burley monta à cheval.

— Adieu, sauvage enthousiaste ! s’écria Morton en le regardant s’éloigner. Comme la société d’un pareil homme serait dangereuse pour moi en certains moments ! L’exagération de ses principes religieux et les conséquences atroces qu’il en tire ne me permettront jamais de penser comme lui ; mais est-il possible qu’un homme, qu’un Écossais voie de sang-froid le système de persécution adopté dans ce malheureux pays ? N’est-ce pas par là qu’on a mis les armes à la main des gens qui n’auraient jamais conçu l’idée de se révolter ? N’est-ce pas pour la cause de la liberté civile et religieuse que mon père a combattu ? — Et moi, dois-je rester dans l’inaction ? dois-je prendre parti pour les persécuteurs, ou pour les victimes de l’oppression ? — Qui sait si ceux-là même qui aujourd’hui appellent à grands cris la liberté ne deviendraient pas, à l’heure de la victoire, les plus cruels et les plus intolérants des oppresseurs ? Quelle modération peut-on attendre de ce Balfour et de ceux dont il est un des principaux champions ? On dirait que sa main fume encore du sang qu’il vient de verser, et que son cœur est torturé par l’aiguillon