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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Et tous deux restèrent muets d’étonnement.

— … J’en garderai quelques anneaux, comme souvenir de la bravoure qui lui a mérité ce présent, et le surplus me fournira le moyen de suivre la carrière où il a acquis tant de gloire.

— Mon Dieu ! monsieur Henry, ne savez-vous donc pas que mon maître la porte tous les dimanches ? lui fit observer Alison.

— Les dimanches et les samedis, toutes les fois que je mets mon habit de velours noir, ajouta M. Milnwood. Au surplus, j’ai entendu dire à Wylie Mac-Trickit que ce genre de propriété ne se transmet pas par la ligne directe dans l’ordre de succession, qu’elle revient de droit au chef de la famille. — Savez-vous qu’elle a trois mille anneaux ? J’en suis sûr, je les ai comptés mille fois. Elle vaut trois cents livres sterling.

— C’est plus qu’il ne me faut. Monsieur. Si vous voulez me donner le tiers de cette somme, et cinq anneaux de la chaîne, le surplus sera un faible dédommagement de la dépense que je vous ai occasionnée.

— Ce jeune homme a le cerveau tout à fait dérangé ! Grand Dieu ! que deviendra la maison de Milnwood quand je n’existerai plus ? ce jeune prodigue vendrait la couronne d’Écosse s’il la tenait.

— Écoutez, Monsieur, dit à demi-voix la vieille femme à son maître, c’est un peu votre faute. Vous voulez le tenir de trop court. Sa dépense chez Niel, par exemple, eh bien, il faut la payer.

— Si elle excède deux dollars, je ne veux pas en entendre parler.

— Je réglerai cela avec M. Niel la première fois que j’irai à la ville : — Ne le contrariez pas davantage, dit-elle ensuite tout bas à Morton, mais soyez tranquille. Je paierai tout avec l’argent du beurre que je vendrai. — Mais aussi, ajouta-t-elle à haute voix, ne parlez pas à M. Henry de conduire la charrue. Il ne manque pas dans le pays de pauvres malheureux qui s’en chargeront pour une bouchée de pain.

Après avoir déjeuné, Morton se retira dans sa chambre, bien convaincu qu’il n’avait aucun espoir de réussir dans ses projets.

La ménagère le suivit, et, lui frappant doucement sur l’épaule, lui recommanda d’être un brave garçon. Mais ne vous avisez plus de parler de vous en aller ou de vendre la chaîne d’or. Votre oncle aime à vous voir, presque autant qu’il aime à compter les anneaux de la chaîne, et vous savez que les vieilles gens ne peuvent pas toujours durer. Ainsi, la chaîne, le manoir, les terres, un beau jour tout cela vous appartiendra. Vous épouserez quelque jeune demoiselle que vous aimerez, et vous tiendrez bonne maison, car il y a de quoi à Milnwood. Cela ne vaut-il pas la peine de patienter, mon enfant ?