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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

pour nous ; il ne fait pas bon d’être à Rome et de se quereller avec le pape ; nous sommes donc partis de peur de pis, et voici un petit billet que j’ai à vous remettre de la part de quelqu’un de votre connaissance, qui vous en dira davantage.

Morton prit la lettre, et y lut ces mots en rougissant de joie et de surprise : — « Si vous pouvez être utile à ces pauvres gens, vous obligerez E. B. » — Et en quoi puis-je vous servir, Cuddy ? que désirez-vous ? dit-il après s’être remis de son émotion.

— De l’ouvrage et du pain, monsieur Henry, car j’ai bon appétit, et ma mère aussi, quoiqu’elle soit vieille. Je sais que votre oncle a besoin d’un laboureur ; s’il veut me prendre à son service, j’ai de bons bras, je ne demande que la table et le couvert pour deux ; quant à mes gages, le laird les fixera comme il voudra.

Morton hocha la tête. — La table et le logis, Cuddy, je crois pouvoir vous en répondre ; quant aux gages, c’est un autre chapitre.

— J’en cours la chance, monsieur Henry, plutôt que d’aller à Hamilton ou plus loin.

— Eh bien, entrez dans la cuisine, et je vais voir ce que je pourrai faire pour vous.

La négociation était fort embarrassante. Il fallait commencer par gagner la femme de charge, qui fit d’abord mille objections, suivant sa coutume, pour avoir le plaisir de se faire prier. Mais quand elle eut cédé, il fut bien moins difficile de décider M. Milnwood à prendre un domestique qui se contenterait des gages qu’il voudrait bien lui donner. On désigna une masure voisine pour servir d’habitation à Cuddy et à sa mère, et on leur annonça qu’ils seraient nourris de la cuisine commune en attendant qu’ils eussent complété leur établissement. Quant à Morton, il employa une bonne partie du peu d’argent qu’il possédait à faire à Cuddy le cadeau connu en Écosse sous le nom d’arles[1], ce qui prouva à ce dernier tout le cas qu’il faisait de la lettre de recommandation qu’il lui avait remise.

— Nous voilà donc encore une fois établis, dit alors Cuddy à sa mère, et j’espère que vous ne nous ferez de querelle avec personne, puisque nous sommes chez des gens de votre croyance.

— De ma croyance ! mon fils ; malheur à votre aveuglement et au leur ! Ils ne valent guère mieux que les prélatistes. N’ont-ils pas pour ministre cet aveugle mondain, Peter Poundtext, jadis saint prédicateur de l’Évangile, et qui aujourd’hui, devenu pasteur apostat, a déserté le vrai sentier pour s’égarer en réclamant la tolérance ? Ô mon fils ! si vous aviez profité des doctrines évangéliques

  1. C’est sans doute une corruption de notre mot arrhes.