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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

faire quelques expéditions contre les huguenots ; cela m’a formé la main pour mon service actuel. Mais, allons, puisque vous voulez être un bon camarado, je ferai tout pour vous servir, et il faut que vous ayez votre part de la bourse du vieil oncle, car je crois qu’il ne vous tenait pas le gousset bien garni. C’est une loi de bon vivant, quand nous avons des fonds, nous ne laissons jamais un camarade dans le besoin.

En parlant ainsi, Bothwell prit la bourse, et en tira quelques pièces qu’il offrit à Henry. Le jeune homme refusa ; et, ne jugeant pas très prudent de parler au brigadier du présent d’Alison, malgré la générosité qu’il déployait, il répondit qu’il n’en avait nul besoin, parce que son oncle lui enverrait de l’argent sur sa première demande.

— En ce cas les anges continueront à lester ma poche. Je me fais un principe de ne jamais quitter la taverne (à moins que mon devoir ne me l’ordonne) tant que ma bourse est assez pesante ; quand elle est devenue assez légère pour que le vent me la renvoie, alors vite à cheval, et je trouve bientôt le moyen de la remplir. — Mais quelle est donc cette tour qui s’élève devant nous au milieu des bois ?

— C’est le château de Tillietudlem, répondit un des dragons. C’est là que demeure lady Bellenden, une des meilleures royalistes du pays et l’amie du soldat. Lorsque je fus blessé par un de ces chiens de whigs qui m’avait tiré un coup de fusil, j’y passai un mois entier.

— Je veux lui présenter mes respects en passant, et lui demander des rafraîchissements pour mes hommes. Je me sens aussi altéré que si je n’avais rien bu chez Milnwood. — Une excellente chose dans ces temps-ci, continua Bothwell en s’adressant à Henry, c’est qu’un soldat du roi ne peut passer devant une maison sans trouver à s’y rafraîchir. Dans une maison comme le Tillie… — comment donc nomme-t-on ce château ? — on le sert par amitié ; entre-t-il chez un de vos fanatiques avares, il se fait servir de force ; se trouve-t-il chez un presbytérien modéré ou toute autre personne suspecte, la crainte lui fait obtenir tout ce qu’il désire.

— Et en conséquence vous vous proposez d’entrer dans ce château.

— Bien certainement : comment pourrais-je faire à mes officiers un rapport favorable sur les bons principes de la digne châtelaine, si je n’avais goûté à son vin des Canaries ?

— En ce cas, je vous demande une grâce. Je suis connu dans cette famille, et je ne voudrais pas qu’on y fût instruit de ce qui vient d’arriver. Ne prononcez pas mon nom, permettez-moi de me