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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

moustaches d’un brun clair, enfin une abondance de longs cheveux bouclés de la même couleur qui tombaient jusque sur ses épaules, formaient un ensemble comme les artistes aiment à en peindre et les dames à en contempler. Par cet extérieur et l’expression de douceur et de gaieté qui régnait sur son visage, on l’aurait pris pour un homme plus amoureux des plaisirs que de la gloire : il n’en était pourtant pas moins connu pour la sévérité de son caractère, et ses ennemis eux-mêmes étaient forcés de rendre justice à sa bravoure. Doué d’un esprit entreprenant, il savait concevoir et exécuter les desseins les plus hardis, et possédait toute la prudence de Machiavel. Profond politique, il était naturellement pénétré de ce mépris des droits individuels qu’inspirent les intrigues de l’ambition. De sang-froid au milieu des plus grands dangers, il craignait aussi peu la mort pour lui-même qu’il était impitoyable pour la donner aux autres.

Édith montrait tant de trouble en répondant aux compliments que le colonel ne cessait de lui prodiguer, que son aïeule crut devoir venir à son secours. — Dans notre vie retirée, dit-elle à Claverhouse, miss Édith Bellenden a si peu vu les personnes de son rang, qu’il n’est pas étonnant qu’elle éprouve quelque embarras pour répondre en termes convenables. Nous avons rarement, colonel, l’avantage de recevoir ici quelque officier, et le jeune lord Evandale est le seul que nous avons le plaisir de voir assez souvent. Et, puisque j’ai nommé cet excellent gentilhomme, puis-je demander si je ne devais pas avoir l’honneur de le voir ce matin ?

— Lord Evandale était en marche avec nous, Milady ; mais j’ai été obligé de le détacher avec sa compagnie pour dissiper un conventicule de ces importuns garnements qui ont eu l’impudence de s’assembler à cinq milles de mon quartier général.

— En vérité, je n’aurais jamais cru à tant de présomption chez ces rebelles. Dans quels temps vivons-nous, colonel ! Il y a en Écosse un mauvais esprit qui souffle aux vassaux des personnes de rang l’insubordination et la révolte. N’y a-t-il pas, colonel Grahame, des lois que punissent cette obstination ?

— Je crois que j’en pourrais trouver une.

— Ce sont eux qui m’ont privée de mon époux et de mes enfants, et sans la protection de notre auguste monarque et de ses braves soldats, ils me dépouilleraient de même de mes terres et de mes biens. Croiriez-vous que sept de nos fermiers ont osé refuser le paiement de leurs rentes ; qu’ils ont dit à mon intendant qu’ils ne reconnaissent plus pour roi et pour seigneur que ceux qui ont juré le Covenant !

— J’irai régler ce compte avec eux, si vous me le permettez,