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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

cent hommes, des moins fatigués, seraient chargés de faire le guet autour du camp ; que ceux qui avaient agi comme chefs pendant la bataille formeraient un comité directeur jusqu’à ce que les officiers fussent régulièrement choisis ; enfin que, pour couronner la victoire, le révérend Kettledrummle prononcerait sur-le-champ un discours d’actions de grâces. Il comptait beaucoup sur ce dernier expédient pour occuper l’attention de la masse des insurgés, se proposant de tenir dans cet intervalle un conseil de guerre avec deux ou trois chefs.

Kettledrummle répondit parfaitement à l’attente de Burley. Il prêcha pendant deux mortelles heures.

Dès que Kettledrummle, son sermon terminé, fut descendu de la pointe de rocher qui lui servait de chaire, un autre prédicateur s’y élança. Ils ne se ressemblaient guère entre eux. Le révérend Kettledrummle était déjà avancé en âge, d’une corpulence énorme ; ses traits stupides et sans expression semblaient annoncer que dans la composition de son être il entrait moins d’esprit que de matière. Celui qui lui succédait était un homme de vingt-cinq ans tout au plus. Sa maigreur et ses joues caves rendaient témoignage de ses veilles, de ses jeûnes, de ses travaux apostoliques ; les épreuves qu’il avait subies lui donnaient un grand crédit parmi les fanatiques de sa secte. Il promena ses regards sur l’assemblée et sur le champ de bataille ; un air de triomphe se peignit sur ses traits. Il joignit les mains, leva les yeux au ciel, et resta comme absorbé dans une contemplation mentale.

L’éloquence du prédicateur fut récompensée par le murmure général d’approbation qui retentit au loin dans les rangs de l’armée. Les blessés oublièrent leurs souffrances, et les faibles leurs privations, en écoutant une doctrine qui, les élevant au-dessus des besoins et des calamités de ce monde, identifiait leur cause avec celle de la Divinité. Un grand nombre se réunit autour du prédicateur, quand il descendit de l’éminence du haut de laquelle il avait débité son exhortation ; on l’embrassait avec des mains encore sanglantes, et en jurant de se montrer les vrais soldats du Très-Haut. Épuisé par son enthousiasme et par la ferveur dont il avait animé son discours, le ministre ne pouvait répondre que par des phrases entrecoupées. — Dieu vous bénisse, mes frères ! C’est de sa cause qu’il s’agit. Soyez fermes, soyez hommes de cœur : tout ce qui peut vous arriver de pis n’est qu’un passage sanglant, mais court, pour parvenir au ciel.

Pendant les exercices spirituels, les chefs militaires n’avaient pas perdu leur temps : ils avaient fait allumer des feux, placé des sentinelles, ordonné des reconnaissances, et s’étaient procuré des