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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Dans cette chambre, le brasier répandait assez de clarté pour que Morton pût reconnaître plusieurs de ces fanatiques qui s’étaient constamment opposés à toutes les mesures de modération, et notamment Éphraïm Macbriar et l’énergumène Habacuc Mucklewrath. Aucun d’eux ne lui adressa la parole.

Morton, s’apercevant des dispositions peu favorables de la compagnie, commençait à songer à la retraite ; mais il vit, non sans alarme, que deux hommes armés s’étaient placés devant la fenêtre par laquelle il était entré. Une de ces sentinelles, s’approchant de Cuddy, dit tout bas en lui montrant la fenêtre : — Fils de la sainte Mause Headrigg, ne cours pas à ta ruine en restant plus longtemps avec ce fils de la perfidie ; éloigne-toi promptement.

Cuddy, profitant de cet avis salutaire, sortit de la chambre beaucoup plus vite qu’il n’y était entré. — Les fenêtres me portent malheur, se dit-il dès qu’il fut en plein air. — Sa seconde réflexion fut pour son maître. — Ils le tueront, les scélérats ! Il faut que je coure du côté d’Hamilton ; je rencontrerai peut-être quelques-uns de nos gens, je les amènerai à son secours. — Entrant alors dans l’écurie, il s’empara du meilleur cheval, et partit au grand galop.

Ce bruit troubla d’abord les dévotions des fanatiques.

Macbriar avait terminé sa prière ; Henry, voyant qu’on gardait le même silence à son égard, résolut de hâter une explication.

— Vous me faites un accueil bien extraordinaire, dit-il.

— Honte et malheur à toi ! répéta Mucklewrath en se relevant comme en sursaut : nous avons prié et demandé au ciel une victime qui servît de bouc émissaire pour expier les péchés de la congrégation, et voilà que la tête d’un coupable nous est livrée. Le sacrifice aura lieu. Préparez-vous à lier la victime aux angles de l’autel.

Plusieurs de ces hommes se levèrent, Morton n’avait d’autre arme que son épée ; ses pistolets étaient restés dans les fontes de sa selle, et il en voyait deux à chaque whig : tout espoir de salut lui était donc enlevé.

L’intervention de Macbriar éloigna le danger. — Arrêtez, s’écria-t-il, ne tirez pas le glaive avec précipitation, de peur que le sang de l’innocent ne retombe sur nos têtes. — Approche, Morton, et réponds-moi. Nous compterons avec toi, avant de venger la cause que tu as trahie. N’as-tu pas, dans toutes les assemblées de l’armée, résisté à la parole de la vérité avec un front de pierre ?

— Oui ! oui ! cria-t-on d’une voix unanime.

— Il a toujours conseillé la paix avec les méchants, dit un d’eux.

— Il a parlé de tolérance et d’indulgence, dit un autre.

— Il aurait voulu vendre l’armée à Monmouth, ajouta un troisième.