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LE NAIN NOIR

en songeant qu’après tout il procurait à sa fille un mariage avantageux, et l’idée qu’il était perdu s’il y échouait acheva de dissiper ses scrupules. Il la trouva assise près d’une des fenêtres de sa chambre ; elle sommeillait ou était plongée dans de si profondes réflexions, qu’elle ne l’entendit pas entrer. Donnant alors à sa physionomie une expression de chagrin et d’attendrissement, il s’assit auprès d’elle, et ne l’avertit de son arrivée que par un profond soupir.

— Mon père ! s’écria Isabelle en tressaillant.

— Oui, ma fille, votre malheureux père, qui vient les larmes aux yeux vous demander pardon d’une injure dont son affection l’a rendu coupable envers vous, et vous faire ses adieux pour toujours.

— Une injure, mon père ! Vos adieux ! Que voulez-vous dire ?

— Dites-moi d’abord, Isabelle, si vous n’avez pas quelque soupçon que l’étrange événement qui vous est arrivé hier matin n’ait eu lieu que par mes ordres ?

— Par… vos ordres… mon père ? dit-elle en bégayant, car la honte et la crainte l’empêchaient d’avouer que plus d’une fois cette idée s’était présentée à son esprit.

— Vous hésitez à me répondre, et par là vous me confirmez dans l’opinion que j’avais conçue. Il me reste donc la tâche pénible de vous avouer que vous ne vous trompez pas. Mais, avant de me condamner, écoutez les motifs de ma conduite. Dans un jour de malheur, je prêtai l’oreille aux propositions que me fit sir Frédéric Langley, étant bien loin de croire que vous puissiez élever la moindre objection contre un mariage qui vous était avantageux à tous égards : dans un instant plus fatal encore, je pris, de concert avec lui, des mesures pour rétablir sur son trône notre monarque banni, et rendre à l’Écosse son indépendance ; maintenant ma vie est entre ses mains.

— Votre vie, mon père ! dit Isabelle ayant à peine la force de parler.

— Oui, Isabelle, la vie de celui à qui vous devez la naissance. Je dois rendre justice à Langley ; ses menaces, ses fureurs n’ont d’autre cause que la passion qu’il a conçue pour vous ; mais lorsque je vis que vous ne partagiez pas ses sentiments, je ne trouvai d’autre moyen que de vous soustraire à ses yeux. J’avais donc formé le projet de vous envoyer passer quelques mois dans le couvent de votre tante à Paris, et, pour que sir Frédéric ne pût me soupçonner, j’imaginai ce prétendu enlèvement par de soi-disant brigands. Le hasard et un concours de circonstances malheureuses ont rompu toutes mes mesures en vous tirant de l’asile momentané que je vous avais assuré. Ma dernière, mon unique ressource est de