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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/332

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tous les doutes sur la réalité de l’histoire. Une autre de ses remarques me fut moins agréable ; il découvrit l’identité du roi avec l’aventureux chevalier Fitz-James lorsque celui-ci sonna du cor pour appeler sa suite. Il est probable qu’il se souvint d’une vieille ballade assez gaie et quelque peu grivoise où une intrigue royale se dénoue ainsi :

« Saisissant un cor suspendu à sa ceinture, il en tira un son aigu et perçant ; aussitôt vingt-quatre chevaliers, couverts de leur armure, s’élancèrent sur la colline ; il prit alors un petit couteau, laissa tomber ses habits vulgaires, et devint le plus élégant de tous les gentilshommes qui l’entouraient. Désormais, nous cessâmes de rôder, etc… »

Cette découverte, comme le dit M. Pepys, lorsqu’il s’aperçut de la déchirure de son manteau de camelot, n’était qu’une bagatelle ; cependant elle me troubla, et je consacrai beaucoup de temps à effacer tout ce qui me parut propre à laisser deviner mon secret avant la conclusion ; car j’avais placé sur lui, pour produire de l’effet, ce même genre d’espoir pour lequel on prétend qu’un postillon irlandais réserve toujours « un temps de trot pour l’avenue. »

Je vérifiai avec un soin tout particulier l’exactitude des circonstances locales de cette histoire. Je me rappelle entre autres que j’allai dans le comté de Perth pour m’assurer si le roi Jacques avait pu se rendre des bords du lac Vennachar à Stirling-Castle dans l’espace de temps supposé, et j’eus le plaisir de me convaincre que la chose était tout-à-fait praticable.

Après un long délai, la Dame du Lac parut en juin 1810 ; son succès fut certainement assez grand pour me porter à croire que j’avais au moins attaché un clou dans la roue de la fortune si inconstante d’ordinaire, et dont la stabilité, en faveur d’un individu qui avait osé tenter l’épreuve trois fois de suite, n’avait pas encore été ébranlée. J’avais peut-être atteint ce degré de réputation auquel la prudence et une certaine timidité auraient fait halte et mis un terme à des efforts par lesquels il était plus que probable que ma renommée s’affaiblirait au lieu de s’accroître. Mais, de même que le célèbre John Wilkes, qui passe pour avoir dit au feu roi qu’au milieu de sa plus haute popularité lui-même n’avait jamais été un wilkiste, je puis, en toute sincérité, me disculper d’avoir jamais été partisan de ma propre poésie, même lorsqu’elle jouissait de la plus grande vogue. Il n’est pas à croire que je fusse assez ingrat ou assez follement candide pour méconnaître ou mépriser le mérite