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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/331

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je n’en ferai pas un repas de moins ; mais si je réussis :

Vive le joli bonnet bleu, le poignard,
La plume, et courage !

Je montrai ensuite le premier chant du poëme à ce censeur inquiet et bienveillant, et il la réconcilia avec mon imprudence. Cependant, malgré l’assurance de mes paroles dictées par l’obstination qu’on a souvent dit être le propre de ceux qui portent mon nom, j’avoue que ma confiance fut fortement ébranlée par les avis émanés d’un goût si sûr et d’une amitié éprouvée, et je ne me sentis pas très encouragé, en l’entendant rétracter son jugement peu favorable, lorsque je réfléchis à quel point sa partialité pour moi avait dû influer sur ce changement d’opinion. En semblable occurrence l’affection ressemble à la lumière habilement répandue sur un tableau ; elle fait ressortir avec avantage les teintes heureuses et jette une ombre sur les défauts.

Je me souviens que vers le même temps un ami tel que le chasseur de la vieille ballade, avec son bon fusil, vint ranimer mon espoir : c’était un simple fermier, mais un homme en qui une forte intelligence, un bon goût naturel et un vif sentiment de poésie remplaçaient pleinement les lacunes d’une éducation incomplète et irrégulière ; il était passionné pour les plaisirs de la chasse, auxquels nous nous livrions souvent ensemble.

Un jour qu’il vint dîner avec moi à Ashestiel, je saisis l’occasion de lui lire le premier chant de la Dame du Lac, afin de m’assurer de l’effet que le poëme produirait sur un individu qui n’était que le représentant trop fidèle de la plupart des lecteurs. On doit bien supposer que je me décidai à fixer mon opinion plutôt par l’impression que mon ami paraîtrait éprouver que par ce qu’il jugerait convenable de dire. Son maintien fut d’abord assez singulier ; il mit la main sur son front, et écouta avec une grande attention tous les détails de la chasse au cerf jusqu’au moment où les chiens se jettent d’eux-mêmes dans le lac pour suivre leur maître qui s’embarque avec Hélène Douglas. Il tressaillit alors ; une exclamation soudaine lui échappa, et, frappant sur la table, il déclara, avec un accent mécontent approprié à l’occasion, que les chiens avaient dû être totalement ruinés en les laissant se mettre à l’eau après de si rudes fatigues. J’avoue que je puisai beaucoup d’espoir dans l’espèce de rêverie qui s’était emparée d’un amateur si zélé des jeux de l’antique Nemrod, et qui avait si complètement dissipé