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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/409

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— Son outrage n’en était pas moins un crime… Il est vrai de dire qu’alors le pouvoir ne savait pas se faire respecter, pendant qu’Albany tenait d’une main faible le sceptre qu’il ne devait pas porter, et que le jeune roi, prisonnier dans la tour de Stirling, était privé de sa couronne et des égards dus à sa naissance[1]. Mais comment justifier la vie de bandit que mène ton Chef, arrachant un vil butin dans des guerres sans motifs, dépouillant le malheureux cultivateur de ses troupeaux et de la moisson arrosée de ses sueurs ?… Il me semble qu’une ame noble comme la tienne devrait dédaigner ces dépouilles indignes de la valeur.

VII.

Le Gaël l’écoutait d’un air menaçant, et lui répondit avec le sourire du dédain :

— Saxon, j’ai remarqué que du sommet de cette montagne tu promenais tes yeux ravis sur les riches moissons, les verts pâturages, les coteaux et les bois qui s’étendent du sud à l’est : ces plaines fertiles, ces gracieux vallons étaient jadis l’apanage des fils de Gaul ; l’étranger vint le fer à la main arracher à nos pères leur terre natale ! En quels lieux est aujourd’hui notre demeure ! Regarde ces rochers entassés sur d’autres rochers ! regarde ces bois incultes ! Si nous demandions aux montagnes, que foulent nos pas, le bœuf laborieux ou l’épi doré des moissons, si nous demandions à ces roches arides des pâturages et des troupeaux, la montagne pourrait nous répondre :

— Comme vos aïeux vous avez le bouclier et les claymores ; je vous donne un asile dans mon sein ; c’est de vos glaives qu’il faut obtenir le reste… Crois-tu donc qu’enfermés dans cette forteresse du nord, nous ne ferons pas des sorties pour reconquérir nos dépouilles sur nos ravisseurs, et arracher la proie qui nous fut dérobée ! Ah ! sur mon ame, tant que le Saxon réunira dans la plaine une seule gerbe, tant que de ses dix mille troupeaux un seul errera sur les bords du fleuve, le Gaël, héritier de la plaine et du fleuve, ira réclamer sa part à main armée ! Quel est le Chef de nos montagnes qui avouerait que nos excursions dans les basses terres ne sont pas de justes représailles ?… Crois-moi, cherche d’autres torts à Roderic[2] ! —

  1. Il n’est point dans l’histoire d’Ecosse d’époque plus féconde en désordres que celle qui suivit la bataille de Flodden-Field, pendant la minorité de Jacques V.
    D’anciennes querelles se renouvelaient comme d’anciennes blessures, et la noblesse indépendante ne cessait de répandre son propre sang. (Voyez l’Histoire d’Ecosse, par Pitscottie.)
  2. Les anciens montagnards vérifiaient dans leurs mœurs ce que dit Gray dans ses vers : « Les rochers des montagnes nourrissent une race de fer, ennemie du génie plus doux de la