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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/410

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VIII.

Fitz-James répondit :

— Si j’en cherchais, penses-tu qu’il me serait difficile d’en trouver ? Comment excuser la perfidie qui a voulu m’égarer et me faire tomber dans une embuscade ?

— C’était le prix que méritait ton audacieuse imprévoyance ? Si tu avais franchement déclaré ton dessein en disant : — Je viens chercher mon limier ou mon faucon ; ou, Je suis appelé par l’amour d’une des filles de votre clan, — tu aurais pu librement parcourir nos montagnes ; mais tout étranger qui se cache est un ennemi secret !… Toutefois, serais-tu un espion, tu n’aurais jamais été condamné sans être entendu, si un augure ne t’avait dévoué au trépas.

— J’y consens. Je m’abstiendrai de toute autre accusation pour ne point te courroucer ; je dirai seulement qu’un serment m’oblige de me mesurer un jour avec ton Chef orgueilleux. Deux fois j’ai visité le clan d’Alpine sans projet hostile ; mais si je reviens ce ne sera plus qu’avec le glaive hors du fourreau et les bannières déployées, comme un ennemi qui défie l’objet de sa haine ! Non, jamais chevalier brûlant d’amour n’attendit l’heure du rendez-vous avec autant d’impatience que j’attends le moment où je me verrai en face de ton Chef rebelle à la tête de tous ses vassaux !

IX.

— Hé bien ! que tes vœux soient satisfaits, dit le Gaël ; — et le son perçant de son sifflet fut répété d’écho en écho comme le cri du courlis. Au même instant, au milieu des taillis et de la bruyère, à droite, à gauche, et de tous les côtés, apparaissent des toques, des lances, et des arcs tendus. Des fentes des rochers surgit le fer des piques ; les javelots sortent des broussailles ; les joncs, les rameaux des saules semblent changés en haches et en épées ; chaque touffe de genêt enfante un guerrier couvert de son plaid et prêt à com-

    plaine ; car il faut des membres infatigables pour labourer la terre pierreuse et détourner les flots impétueux du torrent. Qu’y a-t-il d’extraordinaire si, élevés par la patience et la valeur, ils conservent avec audace ce qu’ils ont conquis par la force ? Qu’y a-t-il d’extraordinaire si, en voyant leurs remparts de rochers renfermer dans leur enceinte la pauvreté et la liberté, ils attaquent « < les habitans les plus riches des plaines ? » (Gray, Fragment sur l’alliance du gouvernement et de l’éducation.)
    Un creag, ou une excursion, était si loin d’être regardé comme une expédition honteuse, que l’on attendait toujours d’un jeune Chef qu’il débuterait dans le commandement par une entreprise heureuse de ce genre, soit contre ses voisins, soit contre les habitans des basses terres, appelés Sassenachs ou Saxons.
    Les montagnards, très versés dans l’histoire par tradition, n’oubliaient jamais que les Celtes, leurs ancêtres, avaient jadis possédé toute la contrée, et que toutes les captures qu’ils pouvaient faire dans les plaines étaient un recouvrement légitime. Quant à leurs invasions sur les clans voisins, il y avait toujours des prétextes suffisans pour justifier l’attaque.