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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/412

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sion d’un songe. Il regarde Roderic avec un air d’incertitude ; mais le Chef des montagnes lui dit :

— Ne crains rien. Ces mots sont inutiles, sans doute ; mais je te déclare que tu aurais tort de te méfier de mes vassaux : tu es devenu mon hôte ; j’ai donné ma parole de te conduire jusqu’au gué de Coilantogle, et je ne souffrirais pas qu’un seul des miens me prêtât l’aide de son épée contre un adversaire aussi valeureux que toi, quand notre combat devrait décider de nos droits sur toutes les vallées que les Saxons ravirent aux fils de Gaul[1].

Poursuivons notre route. J’ai voulu seulement te montrer quelle était ta témérité de prétendre à passer, dans ces lieux, du sauf-conduit de Roderic.

Ils se remirent en marche… J’ai déjà dit que Fitz-James était brave autant que chevalier l’ait jamais été ; mais je n’oserai assurer que son cœur fût calme pendant qu’il suivait Roderic à travers ces solitudes qu’il venait de voir se peupler tout à coup d’une multitude armée de lances, qui n’attendait pour lui arracher la vie que le signal d’un guide qu’il venait d’outrager et de défier tout à l’heure.

Il ne pouvait s’empêcher de tourner à tous momens les yeux pour chercher les gardiens de ces montagnes, si prompts à se montrer et à disparaître. L’imagination lui faisait voir encore les piques et les claymores étincelant dans le taillis ; et le cri aigu du pluvier lui rappelait le signal tout-puissant de son guide. Fitz-James ne commença à respirer en liberté qu’après avoir laissé ce défilé bien loin derrière lui.

Les deux guerriers foulent une prairie dont la vaste étendue n’offrait ni arbres ni broussailles capables de receler un ennemi armé.

XII.

Le Chef marche devant Fitz-James à grands pas et en silence. Ils arrivent au rivage sonore de ce torrent, fils de trois puissans lacs, qui s’échappe en flots argentés du sein du Vennachar, balaie la plaine de Bochastle, et mine sans cesse les débris du camp où jadis Rome, reine du monde, fit planer ses aigles victorieuses[2].

  1. Cette générosité de Roderic n’est pas un trait rare dans les annales de nos montagnards ; elle n’est pas imaginaire, et je pourrais citer plus d’une anecdote pour en prouver au moins la vraisemblance. Les Ecossais, comme la plupart des nations à demi sauvages, étaient en même temps capables d’une grande magnanimité et d’une vengeance terrible et même perfide.
  2. Le torrent qui sort du lac de Vennachar traverse une vaste bruyère appelée Bochastle. Sur une petite éminence appelée the dun of Bochastle, et dans la plaine aussi, on trouve les traces d’un ancien camp qu’on regarde comme romain.