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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/414

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un de ces frivoles chevaliers de cour, indignes de ma courtoisie, et dont le plus beau laurier est une tresse des cheveux de leur dame.

— Roderic, je te remercie de ces derniers mots ; ils rendent à mon cœur toute son énergie, et acèrent la pointe de mon glaive. J’ai juré de tremper cette tresse de cheveux dans le plus pur de ton sang ; maintenant je renonce à la trève et j’abjure la pitié. Ne pense pas toutefois, Chef orgueilleux, qu’il n’est donné qu’à toi seul d’être généreux : quoique d’un coup de sifflet je ne puisse faire apparaître un clan tout entier sur la cime des rochers et dans les taillis, je n’aurais qu’à sonner de ce cor pour rendre ta victoire plus que douteuse !… Mais n’aie aucune méfiance ; c’est fer contre fer que nous allons vider notre querelle.

Ils tirent en même temps leurs épées, et jettent le fourreau sur le sable ; l’un et l’autre regardent le ciel, le fleuve et la plaine, qu’ils ne reverront peut-être plus, et puis croisant leurs glaives et se menaçant du regard, ils commencent un combat douteux.

XV.

Roderic sentit alors de quel avantage aurait été pour lui son bouclier, dont les clous d’airain et la triple peau de buffle avaient souvent émoussé les coups du trépas[1]. Fitz-James avait appris dans les climats étrangers l’art de manier les armes, et son épée était au besoin un bouclier pour lui ; il n’ignorait aucune des ruses de l’escrime ; tandis que le montagnard, plus robuste, mais moins habile, soutenait un combat inégal. Trois fois le fer du Saxon atteignit son ennemi, et trois fois son sang, s’échappant à grands flots, rougit ses tartans[2]. Le farouche Roderic sent augmenter sa soif de vengeance, et ses coups tombent pressés comme les grains de la grêle. Tel qu’un rocher ou une tour qui brave tous les orages de l’hiver, le Saxon, toujours invulnérable, oppose l’adresse à l’impétuosité de la fureur, et, profitant d’un avantage, il désarme Roderic, et fait voler au loin son épée. Le fils d’Alpine recule, chancelle, et tombe aux pieds de son ennemi.

XVI.

— Rends-toi, ou, par le Dieu du ciel, je vais te plonger mon glaive dans le cœur !

  1. Un bouclier rond, recouvert d’un double cuir et garni de plaques d’airain ou de fer, était une partie nécessaire de l’équipement des montagnards, quand ils chargeaient des troupes régulières ; ils recevaient sur le bouclier le coup de la baionnette, qui se tordait en le rencontrant, et ils employaient la claymore contre le soldat culbuté. (Voyez les Antiquités militaires du capitaine Grose, tome I, page 164.)
  2. Voyez, au sujet de l’usage de la rapière, le discours de Brantôme sur les duels, et cet ouvrage si gentiment écrit sur le même sujet, par le vénérable dom Pâris de Putéo (Dupuis).