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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/420

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étrangers, dans le parc royal de Stirling, la preuve de la force de Douglas, et moralisent sur la dégénération de notre âge[1].

XXIV.

Le vallon retentit d’applaudissemens, que renvoie l’écho de la Roche des Dames. Le roi, toujours impassible, donne à Douglas une bourse remplie de pièces d’or. Le fier Douglas sourit d’indignation, et jette l’or à la foule, qui commence à regarder ce vieillard avec une admiration curieuse. Bientôt on se dit à l’oreille que ce cœur si généreux, ce bras si robuste, ne peuvent appartenir qu’à Douglas. Les vieillards remarquent ses cheveux, qui commencent à blanchir, secouent la tête, et racontent à leurs fils les exploits qui avaient rendu Douglas fameux avant qu’il fût exilé de sa terre natale ; les femmes vantent sa taille majestueuse, malgré les traces de maint hiver ; la jeunesse, étonnée, contemple avec respect celui dont la force semble surnaturelle. Tels étaient les sentimens de la foule, dont les murmures se changèrent peu à peu en bruyantes clameurs. Mais aucun des nobles barons qui formaient un cercle autour du roi ne témoigna par un regard qu’il prit intérêt à l’illustre banni, ou qu’il en eût gardé le moindre souvenir ; aucun même de ceux qui jadis regardaient comme un honneur de marcher à la chasse à son côté, qui allaient manger à sa table, et trouvaient dans les combats leur salut derrière son bouclier.

Quel est le mortel qui se voit reconnu des courtisans quand le monarque le désavoue ?

XXV.

Jacques s’aperçut que les jeux languissaient ; il fit partir un beau cerf dont la chasse devait couronner la fête. Deux lévriers favoris furent lancés pour le poursuivre et l’abattre. ; il devait être ensuite servi au repas des archers et arrosé de vin de Bordeaux. Mais Lufra, que ni caresses ni menaces ne pouvaient éloigner de

  1. Le Douglas du poëme est un personnage imaginaire, oncle supposé du comte d’Angus, mais la conduite que tint le roi avec le laird de Kilspendie, un des Douglas bannis, suivant l’historien Hume de Godscroft, prouve que je n’ai rien exagéré.
     « La haine implacable du roi contre les Douglas se montra encore dans la manière dont il accueillit Archibald de Kilspendie, qu’il avait tant aimé pendant son enfance, et qu’il appelait alors son Gray-Stel ( Gray-Stel était an des héros de l’anciennc chevalerie écossaise). Archibald avait été banni en Angleterre ; mais il ne put sympathiser avee une nation qui réunit à un orgueil insupportable et à la plus haute opinion d’elle-même le mépris des autres peuples.
     « Il se hasarda donc de revenir en Ecosse, pour essayer de fléchir la rancune du roi, et fut se jeter à ses genoux dans le parc de Stirling ; mais Jacques le reconnut et ne fit pas semblant de le voir. Archibald se retira désolé : il demanda un verre d’eau à la grille ; mais on le lui refusa, de peur que le roi ne s’en offensât. Le prince le sut, et en fit des reproches aux gens de sa maison, ajoutant que, s’il n’avait pas juré qu’aucun Douglas ne le servirait jamais, Archibald serait rentré en grâce, etc., etc, » (Hume de Godscroft.)