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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/427

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hardi braconnier dans sa terre natale, séditieux insolent sous les drapeaux, il était toujours le plus brave de la troupe quand sonnait l’heure du danger. La veille, John de Brent avait vu avec humeur l’interruption, des jeux ; il imposa silence à tous ses compagnons, et s’écria :

— Allons, remplissons de nouveau les verres : je vais vous entonner une chanson joyeuse ; que chacun de vous fasse chorus en vrai frère d’armes.

V.
LA CHANSON DU SOLDAT.[1]

Notre vénérable vicaire
A maudit le jus du tonneau
Chaque dimanche dans sa chaire
Il préche pour les buveurs d’eau :
Quant à moi je suis sur la treille
De l’avis du grand Salomon,
Qui nous a dit que la bouteille
Met en gaîté mieux qu’un sermon[2].

Notre curé maudit encore
D’une beauté l’air enchanteur,
Quand un doux baiser la colore
Du vermillon de la pudeur :
Il dit que sous sa colerette
Vient se tapir l’esprit malin ;
Sous le fichu de ma Ninette
Je veux l’exorciser demain.

Aux vrais enfans de la Victoire
L’Amour n’a rien à refuser ;
Sous les étendards de la Gloire
La beauté vient s’apprivoiser.
Laissons prêcher notre vicaire ;
Mais qu’il nous dise franchement
Que mainte fois au fond d’un verre
Il trouva l’art d’être éloquent.

VI.

La voix de la sentinelle, qu’on entendit en cet instant, interrompit les joyeux refrains des soldats ; un d’entre eux courut à la


1.

  1. Nous allons donner ici une idée de la chanson du soldat, telle qu’elle est dans l’original : peut-être la trouvera-t-on déplacée dans un poëme ; c’est l’opinion de quelques critiques. Cependant elle se chante dans un corps-de-garde ; ce n’est peut-être pas le cas de dire : Non erat his locus.
     « Notre vicaire prêche toujours que Pierre et Paul ont maudit le verre plein ; il prétend qu’il n’y a que colère et désespoir dans un broc, et que les sept péchés mortels sont tous renfermés dans un flacon de vin des Canaries : mais, Barnabé, verse ta liqueur ; buvons sec ; et au diable le vicaire !
     « Notre vicaire dit que c’est se damner que de pomper la rouge rosée qui colore la jolie bouche d’une femme ; il dit que Béelzebuth se cache en tapinois sous son fichu, et qu’Appollyon lance des traits par son œil noir : mais, Jacques, n’en donne que plus vite un baiser à Gillette, jusqu’à ce qu’elle fleurisse comme une rose, et au diable le vicaire !
     « Notre vicaire ne cesse de prêcher… Et pourquoi ne prêcherait-il pas ? il reçoit les honoraires de sa cure pour prêcher. C’est son devoir de blâmer les laïques qui violent les lois de notre mère l’Eglise. Allons, mes braves, vidons nos brocs, buvons à la tendre Madeleine ; et au diable le vicaire ! »
  2. Vinum bonum lætificat cor hominis.