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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/428

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porte, et dit : — Voici le vieux Bertram de Gand ; que le tambour batte pour le recevoir, car il nous amène une jeune fille et un joueur de harpe.

Bertram, vieux Flamand couvert de cicatrices, entra dans le corps-de-garde ; avec lui étaient un ménestrel et une fille des montagnes, enveloppée d’un large plaid : elle se tenait à l’écart pour éviter les regards de tous ces soldats livrés aux bruyans plaisirs de la débauche.

— Qu’y a-t-il de nouveau ? s’écrièrent-ils. — Tout ce que je puis vous apprendre, dit Bertram, c’est que nous nous sommes battus depuis midi jusqu’au soir avec un ennemi aussi sauvage que les montagnes qu’il habite : des deux côtés le sang a coulé par torrens ; aucune des deux armées ne peut guère se vanter de la victoire,

— Mais quels sont ces prisonniers, l’ami ? C’est une capture qui va te récompenser de tous tes travaux. Tu te fais vieux ; la guerre devient pour toi un métier trop rude ; maintenant que tu as une donzelle et un musicien, achète un singe, et parcours la contrée à la tête d’une troupe de jongleurs[1].

VII.

— Non, camarade, je n’ai pas cette espérance. La bataille était terminée quand ce vieux ménestrel et cette jeune fille se sont rendus à notre camp et ont demandé une audience au comte de Mar. Le comte m’a donné l’ordre de leur procurer un cheval et de les conduire ici sans délai. Vos railleries sont hors de saison ; personne n’osera les faire rougir ou les offenser.

— L’entendez-vous ! s’écria John de Brent, toujours prêt à quereller. — Quoi donc ! il tuera le gibier près de la loge du garde forestier, et il lui refusera la part qui lui revient ! Je ferai valoir

  1. Les jongleurs avaient plusieurs aides pour rendre leurs spectacles aussi attrayans que possible. La fille de joie (the glee-maiden) jouait toujours un rôle nécessaire ; c’était elle qui dansait et sautait ; aussi la version anglo-saxonne de l’Evangile de saint Marc dit qu’Herodias exécuta des danses devant le roi Hérode. Il paraît que ces pauvres filles ont été, jusqu’à une époque récente, les esclaves de leurs maîtres : voici une pièce qui semble le prouver ; elle est rapportée par Fountainhall.
     « Reid le jongleur poursuivait Scott de Harden et sa femme, pour lui avoir dérobé une petite fille appelée la sauteuse qui dansait sur son théâtre. Il réclamait des dommages, et il produisait un contrat qui certifiait qu’il l’avait achetée à la mêre pour trente scots (monnaie d’Ecosse). Mais nous n’avons point d’esclaves en Ecosse ; les mères ne peuvent vendre leurs enfans. La jeune fille risquait de périr dans son métier de sauteuse, d’après les consultations des médecins, et elle refusait de retourner auprès de son maître.
     « Supposé qu’elle fût seulement apprentie, on aurait pu citer la loi de Moïse, qui dit : — Si un serviteur vient vous demander un refuge contre la cruauté de son maître, vous ne le livrerez pas. — Les juges, renitente canceliario, donnèrent gain de cause à Scott de Harden. »
    Les grimaces du singe le rendirent bientôt un acteur indispensable dans la troupe ambulante du jongleur. Dans son Introduction à la Foire de Saint-Barthélemi, Ben Jonson annonce qu’il n’y a dans sa Foire ni bateleur ni singe bien élevés comme ceux qui dansent sur la corde pour le roi d’Angleterre, et qui s’asseyent sur leur derrière pour le pape et pour le roi d’Espagne.