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RANTZAU, de même.

À ceux qui manquent d’aptitude.

GŒLHER.

Monsieur, vous le prenez bien haut !

RANTZAU, le levant et sans changer de ton.

Pardon !… Allez vous demain au bal de la reine ?

GŒLHER, avec colère.

Monsieur !…

RANTZAU.

Dansez-vous avec elle ?… Les quadrilles sont-ils de votre composition ?

GŒLHER.

Je saurai ce que signifie ce persiflage !

RANTZAU.

Vous m’accusiez de le prendre trop haut !… Je descends ; je me mets à votre portée.

GŒLHER.

C’en est trop !

CHRISTINE, près de la croisée.

Taisez-vous donc ! je crois que cela recommence[1].

GŒLHER, avec effroi et remontant le théâtre

Encore ! Est-ce que cela n’en finira pas ?… c’est insupportable !

CHRISTINE.

Ah ! mon Dieu ! tout est perdu !… Ah ! mon père !…


Scène IV.

KOLLER, à l’extrémité du théâtre, à gauche ; GŒLHER, CHRISTINE, FALKENSKIELD, RANTZAU, à l’extrémité, à droite.
FALKENSKIELD.

Rassurez-vous ! ces cris que l’on entend dans le lointain n’ont plus rien d’effrayant.

GŒLHER.

Je le disais bien !… cela ne pouvait pas durer !

CHRISTINE.

Tout est donc terminé ?

FALKENSKIELD.

Pas encore ! mais cela va mieux.

RANTZAU et KOLLER, chacun à part, et d’un air fâché.

Ah ! mon Dieu !…

FALKENSKIELD.

On avait beau répéter à la multitude que l’on n’avait pas attenté a la liberté de Burkenstaff, que lui-même, sans doute par prudence ou par modestie, avait voulu se dérober aux honneurs qu’on lui préparait, et se soustraire à tous les regards.

RANTZAU.

Au moment d’un triomphe, ce n’est guère vraisemblable.

FALKENSKIELD.

Je ne dis pas non ; aussi on aurait eu peut être de la peine à convaincre ses partisans, sans l’arrivée d’un régiment d’infanterie, sur lequel nous ne comptions pas, et qui, pour se rendre à sa nouvelle garnison, traversait Copenhague tambour battant et enseignes déployées. Sa présence inattendue a changé la disposition des esprits ; on a commencé à s’entendre, et, sur les assurances réitérées qu’on ne négligerait rien pour rechercher et découvrir Raton Burkenstaff, chacun s’est retiré chez soi, excepté quelques individus qui semblaient prendre à tache d’exciter et de continuer le désordre.

KOLLER, à part.

Ce sont les nôtres !

FALKENSKIELD.

On s’en est emparé.

KOLLER, à part.

Ô ciel !

FALKENSKIELD.

Et comme, cette fois, il faut en finir…

GŒLHER.

C’est ce que je répète depuis ce matin.

FALKENSKIELD.

Comme il ne faut plus que de pareilles scènes se renouvellent, nous sommes décidés à prendre des mesures sévères.

RANTZAU.

Quels sont ceux qu’on est parvenu à saisir ?

FALKENSKIELD.

Des gens obscurs, inconnus.

KOLLER.

Sait-on leurs noms ?

FALKENSKIELD.

Herman et Christian.

KOLLER, à part.

Les maladroits !

FALKENSKIELD.

Vous comprenez que ces misérables n’agissaient pas d’eux-mêmes, qu’ils avaient reçu des instructions et de l’argent ; et ce qu’il nous importe de savoir, ce sont les gens qui les font agir[2].

RANTZAU, regardant Koller.

Les nommeront-ils ?

FALKENSKIELD.

Sans doute !… leur grâce s’ils parlent, et fusillés s’ils se taisent. (À Rantzau.) Je viens vous prendre pour les interroger et arriver par-là à la découverte d’un complot.

KOLLER, s’avançant vers Falkenskield.

Dont je crois tenir déjà quelques ramifications.

FALKENSKIELD.

Vous, Koller !…

KOLLER.

Oui, monseigneur. (À part.) Il n’y a que ce moyen de me sauver.

  1. Elle redescend le théâtre. — Koller, Christine, Gœlher, Rantzau.
  2. Gœlher et Christine remontent en ce moment le théâtre en causant à voix basse.