Page:Scribe - Piquillo Alliaga, ou Les Maures sous Philippe III, 1857.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
piquillo alliaga.

Il étala sur ses lèvres une légère couche d’opiat au corail.

Et pour la première fois le duc jeta les yeux sur Piquillo, qu’il n’avait pas encore honoré d’un regard.

— Eh… eh… voici un garçon qui a une assez bonne tournure… pour un parfumeur !… la senora Cazoleta ne choisit pas mal. Tu as donc à me parler de sa part ?

— Non, monseigneur, de la mienne… une demande à vous faire.

— Ah ! ah !… se dit le duc à part lui, un solliciteur qui profite de l’occasion ! et sa figure riante devint tout à coup dure et sévère.

Piquillo fut glacé de ce changement subit ; mais il chercha à reprendre son courage, et tirant de sa poche la lettre de la Giralda, il la présenta au duc d’une main tremblante.

— Votre Excellence connaît-elle cette écriture ?

— Non, ma foi.

— C’est celle d’une personne qui me recommande à vous.

— Une lettre de recommandation… Bien… je la lirai.

Il la jeta sur la table à côté de beaucoup d’autres, et dit à Piquillo d’un air indifférent et ennuyé :

— Raconte-moi ton affaire… ce sera plus tôt fait ! Qu’est-ce que tu veux ? qu’est-ce que tu demandes ? à quoi es-tu bon ? va toujours, je t’écoute !

Et s’approchant de la glace, il étala sur ses lèvres une légère couche d’opiat au corail, le tout en tournant le dos à Piquillo.

Il était impossible de choisir une position plus désavantageuse pour une reconnaissance. Piquillo essuya la sueur qui coulait de son front, et dit en hésitant :

— Votre Excellence n’a sans doute pas oublié une femme… qu’autrefois… à Séville… vous avez aimée…

— Laquelle ? il y en a tant !

— La senora Alliaga.

— Alliaga ! je ne connais pas ce nom-là.

— C’est juste, dit Piquillo, blessé au cœur, c’était un nom honorable ; mais elle en avait un autre qui ne l’était pas, et que vous devez connaître… la Giralda !

— La Giralda ?… oui, palsambleu !…… Un beau ta-