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piquillo alliaga.

vérend père Jérôme, Escobar et le duc d’Uzède, avaient reconnu qu’une seule influence au monde pouvait balancer celle du favori, c’était la séduction et la toute-puissance d’une favorite.

Ma nièce, il m’est impossible de le recevoir dans l’état où je suis.

Comme le disait très-bien la comtesse, on est dévot et on à des passions, quitte à leur résister, et c’est là le mérite, ou à capituler avec elles, et c’est là l’affaire du confesseur.

Telle était la situation du roi.

Il avait eu, avant le carême, quelques entretiens avec le révérend père Jérôme, son prédicateur ordinaire. Les idées mises en avant par celui-ci avaient d’abord étonné le roi, mais ne lui avaient pas déplu. Il n’en avait pas parlé, ni au duc de Lerma, ni au frère Cordoya, son confesseur. C’était bon signe.

Il avait donc un secret pour eux, un secret qu’il avait quelque plaisir à garder pour lui, et qu’il craignait de confier à ses confidents ordinaires. En revanche, il ne craignait pas le duc d’Uzède, qui, suivant l’expression de la comtesse, s’était mis à sa portée, et qui n’avait pas eu beaucoup à baisser pour cela, vu qu’ils étaient presque de niveau.

Aussi, dès le soir même, le roi raconta au duc la conversation et les idées du père Jérôme. Pour des idées, le roi en avait peu, mais il avait des sens, et il suffisait d’éveiller ceux-ci pour faire naître les autres. Pendant plusieurs soirées, ce fut là le sujet de leurs entretiens, et le roi y prenait un plaisir qui semblait aux conjurés du plus favorable augure.

Il lui restait pourtant encore quelques scrupules que le père Jérôme aurait eu besoin de vaincre ; mais le saint temps du carême était passé. Il ne pouvait se montrer au palais sans faire naître les plus grands soupçons, et un jour que dans le jardin de Las Delicias le roi se promenait incognito avec le duc d’Uzède, lui faisant part de son trouble, de ses doutes, de ses hésitations, celui-ci dit au roi :

— Tenez, sire, voici un moine qui vient à nous. Votre Majesté ne pense pas le connaître ?

— Non, vraiment.