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piquillo alliaga.

bonne seront bien vite apaisés… Je m’en rapporte à votre habileté et à votre courage. Bientôt vous reviendrez près de vos amis, vous reviendrez pour tenir vos serments, pour épouser Carmen, qui vous aime tant, qu’elle perdrait la vie si elle perdait votre tendresse.

Il lui glissa dans la main un petit papier, lui recommanda
de nouveau le silence, et disparut.

Ces mots, prononcés à demi-voix et comme une prière, allèrent droit au cœur de Fernand ; il éprouva une émotion qu’il ne chercha point à cacher, et s’il n’eût fait nuit, Aïxa eût vu les deux grosses larmes qui s’échappèrent de ses yeux.

— Oui, vous avez raison, Fernand d’Albayda doit tenir sa parole… mais il y a des moments, murmura-t-il d’une voix sourde, où l’on voudrait mourir !

— Mourir est toujours facile, répondit Aïxa avec fermeté ; ce qui l’est moins et ce qui est plus digne d’un noble cœur… c’est de rester et de combattre.

Puis, levant vers le ciel un regard plein de courage et d’espoir, elle ajouta :

— Et de vaincre.

Elle s’élança dans l’allée qui était devant elle et disparut. Elle trouva Carmen qui l’attendait tout inquiète, et qui se hâta de lui raconter que Fernand venait de la quitter.

— Je le sais… je l’ai rencontré… mais il n’a eu le temps de me rien dire ; que venait-il t’apprendre ?

— Les choses les plus singulières. Tout en m’avouant que s’il avait pu ne pas m’effrayer par une pareille confidence, il l’aurait fait, mais qu’il le fallait absolument ; il me conjure, sans vouloir entrer dans aucun détail, de me tenir sur mes gardes. Il craint qu’on n’ait sur moi des projets ambitieux et dangereux, qui ne tendraient à rien moins qu’à nous séparer et à nous désunir. Est-ce possible ?

— En effet, comment cela ?

— Il n’avait pas assez de certitude pour affirmer… mais il craignait qu’il n’y eût quelque complot dont le but fût de me jeter dans les bras d’un autre ; voilà ses propres expressions !

— Ô ciel ! dit Aïxa.

— Et jusqu’à ce qu’il y eût des preuves plus évi-